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Roméo et Juliette de Gounod à l’Opéra Royal de Wallonie - Inoubliable Annick Massis - Compte-rendu

Avec Roméo et Juliette (1867), Charles Gounod fait passer sur l’opéra français un souffle poétique avec un sens mélodique, une légèreté de touche, une sensualité et une réelle progression dramatique. A l’Opéra Royal de Liège, la mise en scène traditionnelle d’Arnaud Bernard recherche plutôt la simplicité et les décors et costumes de Bruno Schwengl, volontiers épurés, évoquent de manière stylisée la Vérone des Capulets et des Montaigus. Beaucoup d’agitation sur le plateau dès l’ouverture où passent et repassent des protagonistes en armes, se toisant et se massacrant dans le bruit et la fureur quitte à faire perdre de vue la subtilité de la partition orchestrale. Les scènes de foule en général bien réglées créent une animation constante. Seuls les duos d’amour et la mort de Juliette sur le tombeau des Capulets à la manière d’une Pietà de la Renaissance constituent de courts instants privilégiés de tendresse et de passion.

La force de ce spectacle repose essentiellement sur la prestation d’Annick Massis dont l’aisance, la capacité à se lover dans le personnage juvénile de Juliette, tiennent du miracle. La qualité du chant et de sa projection (Valse du Ier acte), la perfection du style, l’émotion qui tire des larmes dans la scène finale, témoignent d’une impressionnante virtuosité et d’une totale identification psychologique. Le Roméo du Vénézuélien Aquiles Machado ne démérite pas mais ne peut atteindre les mêmes sommets dans les quatre duos d’amour. Bon chanteur mais piètre comédien, il s’efforce de respecter la prosodie avec une diction assez proche du texte. La puissance de ses aigus apparaît en revanche forcée lorsqu’il ténorise. Les autres partenaires complètent une distribution plaisante et de bon niveau : Tybalt de Xavier Rouillon vrai méchant et provocateur né, Frère Laurent de Patrick Bolleire à l’humanité communicative, le Mercutio feu follet de Pierre Doyen, le Comte Capulet de Laurent Kubla, timbre fragile mais stature noble. A noter également l’engagement de Marie-Laure Coenjaerts dans le double rôle de Stephano/Benvolio et l’attachante Christine Solhosse en nourrice Gertrude.

La direction de Patrick Davin, bien architecturée, pêche par son manque de nuances. Elle accuse les contrastes à l’excès dans des tempi plutôt lents et retenus qui refusent le romantisme à fleur de peau cher à Gounod, privilégiant plutôt l’efficacité immédiate. Souvent exposés et très mobiles, les Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie font face avec vaillance tout en manquant parfois de cohérence. De ce véritable travail d’équipe, se détache la Juliette d’Annick Massis acclamée par le public liégeois. Qu’attendent les institutions lyriques hexagonales pour l’inviter plus souvent ?

Michel Le Naour

Gounod : Roméo et Juliette - Liège, Théâtre Royal, 21 novembre 2013

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