Journal

Rigoletto à l’Opéra national du Rhin - inventif et virtuose - Compte-rendu

Présenté l’été dernier au Festival d’Aix-en-Provence et repris à l’Opéra national du Rhin avec une autre distribution, le Rigoletto de Robert Carsen renouvelle l’approche du premier volet de la « Trilogie populaire ». Le metteur en scène canadien et son fidèle dramaturge Ian Burton situent en effet l’action dans le huis clos d’un cirque, installant avec virtuosité le théâtre dans le théâtre. Les décors suggestifs de Radu Boruzescu créent une atmosphère de cabaret expressionniste avec filles dénudées, acrobates, poupées gonflables, tandis qu’une roulotte de fortune sert de domicile au clown Rigoletto et à sa fille Gilda. Beaucoup de moments forts dans cette transposition originale dont le pari est tenu de bout en bout.

D’un plateau inégal se détache le Rigoletto impressionnant du Roumain George Petean, véritable personnage shakespearien. Touchant, attachant, d’une humanité à tirer des larmes et obsédé par la malédiction qui l’assaille, il possède toutes les qualités requises par son chant assuré et profond, se glissant avec bonheur dans la peau du bouffon grimé. Dmytro Popov, allure de bellâtre, voix bien placée mais un rien voilée, aigus solides et bien projetés, incarne un Duc de Mantoue débauché qui vit au jour le jour son égoïsme foncier. En Gilda, Nathalie Manfrino s’investit avec une passion communicative bien qu’elle ne puisse masquer un chant irrégulier au vibrato prononcé (le « Caro nome », si délicat, est interprété sur un trapèze en mouvement, ce qui ne facilite pas les choses). En revanche, elle émeut dans la scène finale, alors qu’en arrière-plan une acrobate descendue des cintres et enveloppée dans un drap évoque une sublime scénographie baroque. Les rôles secondaires sont bien défendus à l’image du Sparafucile de Konstantin Gorny, inquiétant en lanceur de couteaux également tueur à gages, et de sa sœur Maddalena, interprétée par Sara Fulgoni, sexy et affriolante face aux assauts du Duc.

Le chef Paolo Carignani, qui connaît cette musique comme personne, fédère les forces en présence et témoigne, dans la fosse, d’un dynamisme enthousiasmant. Attentif aux chanteurs, soucieux autant du rythme que du cantabile, il met le feu à un orchestre sollicité par sa baguette ardente. Les musiciens strasbourgeois chauffés à blanc rivalisent d’engagement, et le Chœur de l’Opéra national du Rhin préparé par Michel Capperon, par sa cohésion, sa musicalité, prend une part active au drame.

Michel Le Naour

Verdi : Rigoletto - Strasbourg, Opéra national du Rhin, 19 décembre 2013, prochaines représentations à Mulhouse (La Sinne), les 8 et 10 janvier 2014

Voir le reportage vidéo réalisé à Aix-en-Provence

 

Partager par emailImprimer

Derniers articles