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Rigoletto à l’Opéra Bastille – Verdi en boîte (de carton) – Compte-rendu

Fallait-il tant de présupposés pour rendre crédible ce Rigoletto de Verdi et convoquer le philosophe Hésiode et son allégorie de la boîte enfermant l’Espérance ? Comme à son habitude, le metteur en scène Claus Guth, tenant du Regietheater, n’a pas donné dans la simplicité. Le décor, tout de carton, enferme les personnages du livret de Piave d’après Victor Hugo, que l’on sait déjà touffu, dans un huis clos où s’agitent courtisans, double de Rigoletto (le comédien Pascal Lifschutz mimant la mémoire du bouffon) et protagonistes du drame.
 La vidéo d’Andi A. Müller force le trait, projetant successivement en gros plan la robe ensanglantée de Gilda ou sa course juvénile dans un champ. La chorégraphie de Teresa Rotemberg nous entraîne en pleine revue de cabaret avec plumes et paillettes déclenchant les rires, sans vraiment convaincre sur son utilité.  
 

© Monika Rittershaus

La qualité du plateau et la musique de Verdi font heureusement oublier les contorsions scéniques. L’excellent Quinn Kelsey incarne un Rigoletto de chair, qui réussit même à faire oublier le ridicule de certaines situations théâtrales. Très crédible, la Gilda d’Olga Peretyatko, chant à la ligne très pure mais retenu dans l’émotion, évoque la jeune fille naïve qui s’émancipe et se sacrifie par amour. Michael Fabiano, duc de Mantoue svelte, doté de facilités vocales indéniables, sait se lover dans les habits de ce Don Juan de petite vertu se shootant à l’occasion ; il donne corps à ce séducteur sans morale – sa prestation valide tous les espoirs placés en un jeune ténor en plein envol (1). Vesselina Kasarova, grande pointure, ne joue qu’une Maddalena de circonstance, façon dominatrice fouet en main, tandis que le Sparafucile de Rafał Siwek impressionne par sa noirceur et sa profondeur. Solides et homogènes seconds rôles où l’on retrouve avec bonheur Isabelle Druet (Giovanna) et de jeunes chanteurs formés à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris : Tiago Matos (le comte de Ceprano) ou Andreea Soare (La comtesse).
 
Direction sûre de Nicola Luisotti (actuel directeur de l’Opéra de San Francisco) qui enflamme ses troupes (y compris le chœur d’hommes préparé au cordeau par José Luis Basso), entraînant l’ensemble dans un même élan narratif sans trop finasser. Le spectacle ravit le public, et l’apparition du metteur en scène n’entraîne finalement que quelques huées vite étouffées par l’enthousiasme collectif. Le chant a gagné !
 
Michel Le Naour

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(1) Lire l’interview de Michael Fabiano : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-michael-fabiano-tenor-jadore-le-bel-canto-mais-mon-compositeur-prefere-est
 
Verdi : Rigoletto – Paris, Opéra Bastille, 11 avril ; prochaines représentations les 14, 17, 20, 26, 28 & 30 avril, 2, 5, 7, 10, 14, 16, 21, 24, 27 & 30 mai 2016 /www.concertclassic.com/concert/rigoletto-de-verdi-par-claus-guth

Photo © Monika Rittershauser

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