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Riccardo Muti dirige l’Orchestra Giovanile Luigi Cherubini à la Philharmonie de Paris – L’Italie symphonique en majesté - compte-rendu

 

On y allait bien sûr pour le maestro, mais on était surtout curieux de l’entendre à la tête de son orchestre de jeunes, créé en 2004, dans un beau programme, original, qui présentait les grandes pages symphoniques de l’Italie du XIXe siècle : intermezzi de Cavalleria RusticanaManon LescautPagliacciFedora… et surtout le Ballet Les Quatre Saisons de l’acte III et l’Ouverture des Vêpres siciliennes.
Ce jeune orchestre fougueux doit son nom à Cherubini (1760-1842), compositeur italien qui exerça une bonne partie de sa longue carrière en Europe et surtout en France, et qui, dès 1796 fut nommé inspecteur de l’enseignement au tout nouveau Conservatoire. Il dirigera avec passion cette institution en France jusqu’à sa mort, soutenant les manifestations publiques d’élèves et surtout la naissance de la Société des Concerts du Conservatoire en 1828.
Riccardo Muti (photo) a par ailleurs grandement contribué à faire redécouvrir les œuvres du compositeur – notamment ses pages sacrées (Requiem, Messe de Chimay, etc.)
 
Ainsi l’Orchestra Giovanile Luigi Cherubini revendique une forte identité musicale italienne et une vocation européenne. Cet orchestre, composé de musiciens italiens de moins de trente ans, est basé à Plaisance et à Ravenne. Chaque musicien est recruté sur concours (jury présidé par le maestro) et pour une durée volontairement limitée à trois ans après laquelle les jeunes instrumentistes peuvent prétendre intégrer une grande formation professionnelle. L’orchestre est reconnu internationalement et s’attaque désormais régulièrement au répertoire opératique (Ernani en 2015 à Salzbourg, Trilogie Mozart-Da Ponte au Festival de Spoleto, célébrations Verdi au Festival de Ravenne…).
 
C’est à un concert captivant auquel nous avons pu assister, d’un niveau général qui force l’admiration avec un Muti, inspiré, heureux et en confiance : du grand style.
La première partie était consacré aux compositeurs post-verdiens, de la deuxième moitié du XIXe siècle, tous plus connus pour leurs ouvrages dramatiques : Mascagni (Cavalleria Rusticana), Leoncavallo (Pagliacci), Puccini (Manon Lescaut), Giordano (Fedora). Ici, c’est l’orchestre tout entier qui chante. Il se dégage une intensité, un lyrisme ardent, une expression d’une justesse absolue, qui font oublier quelques rares imperfections ou attaques imprécises.
Aux côtés de ces pages symphoniques extraites d’ouvrages lyriques, on découvrait avec bonheur de la musique italienne instrumentale « pure » : l’enchanteur et magnifique Notturno de Martucci (1901, à l’origine écrit pour le piano), et la Contemplazione en mélodie quasi infinie du jeune Catalani, célèbre pour son opéra La Wally.
 
Mais on n’avait encore rien entendu. La deuxième partie était entièrement consacrée à Giuseppe Verdi et à ses Vêpres Siciliennes qui incluent, outre une magnifique ouverture, un autre morceau symphonique, ballet très développé de plus de trente minutes qui vient se greffer à la fin du troisième acte, lors de la grande fête au Palais de Montfort.
Peu importe finalement le sujet du ballet (les quatre saisons) tant le spectacle symphonique est à son comble. Muti danse (et même saute) sur son pupitre, l’orchestre danse à sa suite. Exécution parfaite, virtuose, quelques moments de grâce absolue (solo de flûte au début, clarinette, cor ou hautbois…bravo !), un orchestre chauffé à blanc, clairement dans son élément, galvanisé par cette profusion d’idées musicales et par la direction incandescente et charismatique du maestro.
 
On est ému de voir Muti, visiblement satisfait, saluer au milieu de son orchestre de jeunes musiciens. A l’heure où l’Italie vit une crise politique sans précédent, on se dit en quittant la Philharmonie que cette expérience et cette transmission n’ont pas de prix.
 
Gaëlle Le Dantec
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Paris, Philharmonie (Grande Salle), 25 mai 2018

Photo © DR

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