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"Requiem de Fauré" par Aedes et Les Siècles à l’Opéra de Massy – Magistral ! – Compte-rendu

Dans la belle acoustique de la grande salle de l’Opéra de Massy et sous l’oreille attentive d’un public averti, l’Ensemble Aedes et son chef Mathieu Romano (photo) ont livré une leçon de chant choral a capella et avec orchestre. D’une gestuelle engagée et expressive, le chef conduit son chœur (36 chanteurs)  dans une prestation dynamique où la qualité vocale s’associe à la variété expressive pour rendre le concert passionnant de bout en bout. Les attaques de chant millimétrées et toujours douces, la diction aussi claire dans le pianissimo que dans le fortissimo, la beauté individuelle des voix et l’homogénéité globale pour exprimer les mêmes sensations captivent l’auditoire à chaque instant. Après une entrée en matière, par les seules voix féminines, avec les Litanies à la Vierge noire de Poulenc, « Dieu, qu’il la fait bon regarder ! » et de « Yver, vous n’estes qu’un villain » (dans leur version originelle de 1898), première et dernière des Trois Chansons de Charles d’Orléans de Debussy, baignent le public de la mélancolie du prisonnier, puis de la véhémence du guerrier, tandis qu’Anaïs Bertrand enchante le cœur des auditeurs de ses accents joyeux dans la deuxième, « Quand j’ai ouy le tabourin ».

Roxane Chalard dans le Pie Jesu du Requiem de Fauré © MGrinand

Figure Humaine, long cycle mystérieux que Francis Poulenc désignait comme son « chef-d’œuvre », tantôt s’assombrit du désespoir des vaincus et tantôt s’éclaire de la confiance des combattants, rappelant combien les poèmes d’Eluard, écrits durant la guerre, étaient des appels véhéments à la résistance contre l’envahisseur nazi. Puis le Requiem de Fauré (version de 1892) – que tant de choristes amateurs connaissent pour l’avoir chanté en s’efforçant d’exprimer tour à tour la peine, la peur et la sérénité dans une œuvre qui ne dit rien de tout cela – devient, sous la férule de Mathieu Romano et par les voix égales des choristes, une prière évidente pour le salut du genre humain. Point d’artifice, mais l’expression pure et simple de la piété et de l’espoir en un au-delà idéal. L’orchestre Les Siècles, dans ses cordes, ses cors, ses trompettes, ses trombones et ses timbales, trouve la douceur et la retenue qui magnifient la supplique du chœur. L’accompagnement du Sanctus par le violon solo de François-Marie Drieux se révèle d’une émouvante évidence, tandis que le Pie Jesu de Roxane Chalard frôle l’extase et que le baryton de Mathieu Dubroca témoigne de la soumission confiante de l’Homme à son Dieu. Il n’y a rien à ajouter à cette expression universelle d’un amour filial et respectueux que le Cantique de Jean Racine, du même Fauré, donné en bis sur le même registre. La messe est dite et le public, conquis, ovationne Mathieu Romano et son superbe Ensemble Aedes.

Michel Grinand  

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Massy, Opéra, 12 avril 2018.
Reprise du programme « Requiem de Fauré » au Festival de l’Epau (24/05 18), aux Heures Musicales de Lessay (17/08/18), aux Rencontres de Vézelay (24/08/18) et aux Musicales de Normandie (26/08/18) / www.ensemble-aedes.fr/page/agenda

Photo © Laurence Alvaro

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