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Re Orso de Marco Stroppa à l’Opéra Comique - Pavé de l’ours salle Favart - Compte-rendu

L’Opéra Comique vient de renouer avec sa tradition séculaire de lieu de création avec ce Re Orso de Marco Stroppa (né en 1959) professeur de composition notamment à Stuttgart et dans nos deux Conservatoires nationaux de Paris et de Lyon. Quelqu’un qui connaît les arcanes de la musique la plus contemporaine depuis les profondeurs de l’IRCAM où Boulez l’a invité à travailler. De fait, comme le prouvent les deux parties de cette « fable musicale », il passe avec une égale maîtrise de l’instrument traditionnel au son électroacoustique. Comment expliquer alors que la petite heure et demie que dure ce spectacle sans entracte semble si longue ?

C’est d’abord le ton général de la pièce qui ne paraît pas avoir été défini d’emblée clairement par le musicien et ses librettistes Catherine Allioud-Nicolas et Giordano Ferrari. A l’origine de cette fable musicale un texte tombé dans l’oubli d’Arrigo Boito, l’ami et complice de Verdi : une référence ! Mais le fait que ce texte, finalement assez simplet, n’ait jamais trouvé preneur de la part d’un musicien aurait dû faire réfléchir l’équipe. Comme dans le monde des bons géants de Rabelais, faut-il en pleurer ou en rire ? C’est ce dernier parti qui assure la victoire à l’extrême fin du livret : que ne s’en sont-ils pas avisés plus tôt !

C’est une moralité qui raconte d’abord les turpitudes d’un horrible tyran, ours monstrueux, dans la Crète antique, avant qu’il n’expie ses crimes après sa mort. Stroppa qui a travaillé en Hongrie avec Kurtag, aurait pu penser au célèbre dramaturge musical hongrois György Ligeti et à son Grand Macabre. Nous sommes ici d’autant plus éloignés de la kermesse flamande que le jeune metteur en scène, élève de Patrice Chéreau, Richard Brunel choisit délibérément l’expressionnisme accentuant encore le sérieux de la chose : Le Roi Ours n’est pas Le Roi Lear et vice versa…

Sérieux maximum encore côté direction d’orchestre avec une Susanna Mälkki, patronne imperturbable de l’Ensemble Intercontemporain, raide comme la justice et aussi métronomique qu’un chef de gare… Elle disparaît avec ses instrumentistes en seconde partie pour laisser place à l’imagination de la batterie de hauts parleurs. Las ! Stroppa reste toujours très (trop) sage, bridé peut-être par le souci des voix. Il les traite au demeurant de façon fort civile, loin de ces sauts périlleux et de ces coups de glotte qui firent naguère les beaux soirs du Domaine Musical au temps de Boulez…

Les costumes et les éléments de décors de qualité comme la direction d’acteurs particulièrement soignée permettent une parfaite intégration des chanteurs et des comédiens. Sans parvenir toutefois à sauver la soirée d’un morne ennui. Un ours qui brandit un pavé décidément indigeste.

Jacques Doucelin

Stroppa : Re Orso – Paris, Opéra Comique, 21 mai 2012

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Photo : Elisabeth Carecchio
 

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