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Raphaël Pichon et l’Ensemble Pygmalion au Festival de Saint-Denis – Lumineuse évidence – Compte-rendu

Que ce soit au disque ou sur les scènes lyriques (on songe à un récent Dardanus mis en scène par Michel Fau à Bordeaux et à Versailles), Raphaël Pichon (photo) et ses musiciens et choristes de Pygmalion ont beaucoup fait parler d’eux ces temps derniers : ce n’est que la légitime contrepartie du talent, du travail et d’un parcours d’une cohérence exemplaire. Le Festival de Saint-Denis n’aura pas attendu que le chef et son ensemble soient sous le feu des projecteurs pour leur manifester sa confiance. Dès 2012, il leur a en effet proposé une résidence dont le concert Mozart donné il y a peu constituait en quelque sorte le point d’orgue – mais il y a fort à parier que les choses ne s’arrêteront pas là entre le Festival et Pygmalion…
Puissent Raphaël Pichon et son équipe revenir souvent sous les voûtes de la basilique des Rois et nous offrir des soirées comparables à celle que l’on a vécue à l’occasion de leur programme Mozart-Haydn.  
 
La Grande Messe en ut mineur KV 427 de Mozart ? Pas seulement. R. Pichon a en effet pris le parti d’insérer dans la messe inachevée trois pièces chorales des frères Haydn (le Motet Insanae et vanae curae Hob. XXI:1/13c de Joseph et, non moins admirables, l’Ave Regina Caelorum MH 140 et le Christus factus est MH 38 de Michael). Plus que légitime sur le plan biographique (on sait l’amitié qui liait Wolfgang et Michael et l’admiration que l’auteur d’Idoménée vouait à Joseph, rencontré seulement en 1784), le résultat, outre qu’il permet de goûter à des pièces méconnues, s’avère plus que convaincant sur le plan musical.
 
Près d’une heure et demie durant, le public d’une basilique archi-comble aura été tenu haleine par une interprétation qui, par-delà le niveau de l’accomplissement instrumental que vocal, saisit et émeut par sa ferveur, son souffle et, comme toujours sous la battue précise et souple de R. Pichon, son sens de la grande ligne. Formé à la si profitable école de la musique de Bach, le Chœur Pygmalion se distingue par son équilibre et son homogénéité, autant que par la rigueur et le naturel avec lesquels il se confronte aux polyphonies les plus serrées (magnifique Cum Sancto Spirito). Mais il n’est pas moins convaincant dans la nudité du si prenant Christus factus est de Michael Haydn.
 
Bonheur aussi du côté des solistes. Très attendue, Sabine Devieilhe illumine la soirée de son timbre de rêve certes, mais surtout par l’intelligence musicale de ses interventions – quel écrin merveilleux les bois lui tissent-ils pour un fabuleux Et incarnatus est… Dès le Domine deus, on comprend qu’une complémentarité parfaite s’établit avec la voix de Marianne Crébassa, toujours aussi pleine de caractère mais qui, avec le temps, a gagné en richesse et en souplesse. Bien que l'on puisse rêver d’un ténor un peu plus puissant et éclatant dans le cadre de la basilique, Samuel Boden s’acquitte fort bien de sa tâche. La Messe KV 427 ne que fait que très peu appel au baryton, requis seulement dans le Benedictus conclusif. C’est Florian Sempey – excusez du peu – qui prend part à un quatuor dont l’élan, la ferveur et la lumineuse évidence résument in fine l’esprit d’une soirée à marquer d’une pierre blanche.
Longue ovation pour le chef et ses troupes (parmi lesquelles on note la présence de Jean Rondeau à l’orgue) ; public gratifié en bis du Insanae et vanae curae de Joseph Haydn, d’une force et d’une densité aussi irrésistibles qu’à la première écoute.
 
Alain Cochard
 
Saint-Denis, basilique, 18 juin 2015

Photo © Jean-Baptiste Millot

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