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« Rain » d’Anne Teresa De Keersmaeker - Ronde légère - Compte-rendu


On parle toujours d’elle comme de la grande dame de la danse « belge » (?). Flamande de Malines, Keersmaeker a eu un parcours brillant, de la fondation de sa compagnie Rosas en 1983, deux ans après être sortie de Mudra à Bruxelles, à la direction du Ballet de la Monnaie, qu’elle assura de 1992 à 2007. Du sous-Pina Bausch, disait on méchamment au début, pour son expressionnisme agité et fébrile. Puis la chorégraphe s’est imposée, au point que son Rain, de 2001, rentre aujourd’hui à l’Opéra, au même titre que le très surestimé Sacre du printemps de Pina Bausch. Le résultat est surprenant, pour qui pouvait craindre un cyclone.

Car Rain n’est que le très subtil tissage de corps en mouvement, fluides, gracieux, légers, en déséquilibre jusqu’au point - presque - de rupture, un peu comme Forsythe le pratique mais ici sans la moindre provocation. Un décor léger (une structure tubulaire sur laquelle s’accroche un cercle de cordes, comme un grand rideau de pluie), des couleurs suaves (du « nude »à la mode, au rose fuchsia, en un arc-en-ciel gradué par le talentueux couturier Dries van Noten) et pour animer ce cadre, la présence omnipuissante de la musique de Steve Reich, avec lequel Keersmaeker entretient un rapport passionné depuis toujours : ici la Music for eighteen musicians de 1976, par le splendide Ensemble Ictus, partenaire attitré de Keersmaeker.

Portés par ces séquences dont on sait le pouvoir incantatoire, sept filles et trois garçons s’adonnent eux aussi à la répétition, bondissant, glissant, se tordant ou se rejoignant, avec de mini-surprises d’affrontements, comme dans les fines variations de la musique. Une performance à coup sûr, et surtout un moment de pure joie dynamique, et, oserait-on le dire pour une fois, esthétique. Même si ces danseurs classiques, parmi lesquels ne figure d’ailleurs aucune étoile, cherchent surtout les limites de leur corps, ils le font avec un bonheur qui s’inscrit en une sorte de ronde légère, parfaite dans sa mobilité. Un cercle de vibrations intimes et spectaculaires à la fois. Les tuniques volent, les danseurs sourient. On rêve, et l’on se prend à penser qu’en un siècle de ratiocinations, la danse moderne s’est rapprochée de sa pionnière Isadora, même si elle avance des théories moins naïves. Tout est cycle décidément.

Jacqueline Thuilleux

« Rain », ballet d’Anne Teresa De Keersmaeker (musique de Steve Reich)/ Palais Garnier, le 26 mai, prochaine représentation les 31 mai, 1er, 3, 4 et 7 juin 2011. www.operadeparis.fr

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Photo : DR

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