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Printemps des Arts de Monte-Carlo - Schumann à la fête - Compte-rendu


Imaginatif, le compositeur Marc Monnet, directeur artistique du Printemps des Arts de Monte-Carlo, ne craint pas de subvertir les codes et les idées reçues. Les derviches tourneurs qui ouvrent cette manifestation et la présence ludique des clowns côtoient dans une programmation en quatre week-ends la création contemporaine, le violon dans tous ses états, des master-classes, des conférences, une chorégraphie avec les légendaires Ballets de Monte-Carlo tout en proposant un portrait de Gabriel Fauré ou, pour conclure ce festival, un regard sur l’œuvre de Robert Schumann.

Le jeune Trio Dali, dans les Fantasiestücke op 88 et le Trio pour violon, violoncelle et piano n°3 op 110, fait preuve d’une belle homogénéité dans l’équilibre des cordes et aussi de réelles qualités stylistiques (remarquable violoncelle de Christian-Pierre La Marca) dont bénéficie en outre le Trio op 17 de Clara Schumann si proche de Mendelssohn par la grâce (Andante), mais un peu corseté dans l’expression (Allegro moderato et Allegretto).

Intercesseur de ses sentiments, le piano est, pour Robert Schumann, comme son journal intime. Véritable marathon en quatre récitals, la « Nuit du piano » permet à Philippe Bianconi et Finghin Collins (photo) de parcourir les états d’âme d’un compositeur attiré par la lumière et l’ombre, les masques et les fantômes, la contrainte formelle et la liberté sans frein.
Finghin Collins, magnifique pianiste irlandais (vainqueur du Concours Clara Haskil en 1999), possède un véritable sens poétique, une digitalité impressionnante (Variations Abegg), un tact un rien retenu (Scènes d’enfants). Ce romantisme contrôlé (Trois Fantasiestücke op 111, Six Intermezzi op 4) ne permet pas toujours de pénétrer l’univers schumannien le plus tourmenté. Dans le Carnaval de Vienne, sa grande maîtrise technique souffre d’un excès de précipitation et d’excitation, mais l’interprète ne manque pas de panache.

Quant à Philippe Bianconi, il prouve à tous ceux qui ne s’en seraient pas encore rendu compte qu’il est l’un des grands maîtres du clavier d’aujourd’hui. Faisant corps avec un instrument auquel il transmet énergie et émotion, il transfigure littéralement aussi bien les Papillons, le Carnaval que les Davidsbündlertänze, les Fantasiestücke op 12, les Kreisleriana ou les Chants de l’aube. Puissant sans agressivité, d’une simplicité touchante, d’une totale compréhension de ces pages si ondoyantes et diverses, il entre de plain-pied dans le monde arachnéen de Schumann avec un art de la conduite du discours qui tient les auditeurs en haleine jusqu’à point d’heure après quatre denses heures de musique. Des instants magiques que l’on n’est pas près d’oublier !

Dans l’Eglise Saint-Charles, Olivier Vernet (titulaire de la tribune à la Cathédrale de Monaco), avec les Etudes en forme de canon op 56, les Quatre Esquisses op 58 et les Six Fugues sur le nom de B.A.C.H op 60, témoigne de l’intérêt porté par Schumann à l’orgue bien qu’il ne fût pas lui-même organiste. L’exécution très polyphonique, mais aussi la fluidité dans la registration, sont la marque d’une lecture aussi fine qu’aboutie (rappelons qu’Olivier Vernet a signé un bel enregistrement de l’œuvre pour orgue de Schumann chez Ligia).

L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo (orphelin de son directeur musical récemment disparu Yakov Kreizberg, auquel le Printemps des Arts 2011 est dédié) propose par sa part une vision très enlevée de la Symphonie Rhénane sous la conduite de Thomas Hengelbrock, loin de l’image massive de la Cathédrale de Cologne se mirant dans le Rhin, délivrée parfois par certains chefs. De grands moments de musique qui font honneur à ce festival si inventif.

Michel Le Naour

Monte-Carlo, Opéra Garnier, Eglise Saint-Charles, Auditorium Rainier III, les 8, 9 et 10 avril 2011

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Photo : Colm Hogan

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