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​ Premier Concours de jeunes chorégraphes à Biarritz - A suivre - Compte rendu

Une riche idée que cette ouverture à l’avenir germée dans le pôle Grand Sud-Ouest, créé en 2012 et où s’unirent les Ballets de Bordeaux, Toulouse et Biarritz pour mieux faire profiter leurs scènes respectives de leurs compétences et de leurs succès. Mais aussi pour mieux diriger les générations futures de danseurs et de chorégraphes vers un terrain plus que hasardeux, celui où vont les entraîner leurs chaussons tous neufs, particulièrement en France où les débouchés sont moindres qu’Outre-Rhin.
 
Dans un premier temps, cette année, Thierry Malandain dont on sait l’ascendant sur la chorégraphie française et internationale à partir de son Ballet Biarritz, et Charles Jude, qui a su conserver tant bien que mal le patrimoine classique au Grand Théâtre de Bordeaux, ont donc pu mettre en place cette compétition à laquelle ont participé 32 candidats de toutes provenances en éliminatoires, avant que les six finalistes ne concourent enfin. Et pour Kader Belarbi, directeur du Ballet du Capitole, il espère que sa structure toulousaine lui donnera par la suite la possibilité de participer à l’aventure, qu’il n’a pu suivre cette année que comme membre du jury. Quant à Ivan Cavallari, aujourd’hui à la tête du Ballet du Rhin et bientôt à celle des Grands Ballets Canadiens, il était venu prêter son concours en fin connaisseur de problèmes de la danse.
 
L’enjeu était de se cantonner à un style, à une technique classique et néoclassique, la danse contemporaine essaimant partout en mini compagnies sans lendemain, tandis qu’il importe de mettre le doigt sur les signatures qui bientôt seront capables de chorégraphier pour des troupes de 30, 50, voire 150 comme à Paris, si d’exceptionnels talents se révélaient ! Et de nombreux spectacles récents vus dans la Grande Maison ont montré que le génie n’y était point toujours au rendez vous !
 
Venus de France, de Russie, d’Allemagne et de Belgique six jeunes gens ont donc confronté leurs univers, leurs mémoires, leurs rêves, leurs styles, dans les pièces qu’ils sont présentées, chacune d’une durée de vingt minutes maximum. Quoi de commun par exemple entre l’académisme défaillant de Ricardo Amarante, pour sa pièce Love, fear, loss, dansée par les danseurs du Ballet Royal de Flandre, où il se produit à ce jour, sagement fidèle à un mixte Balanchine-Robbins, et le coup de poing donné par Martin Harriague, basque aujourd’hui intégré au Kibbbutz Contemporary Dance Company en Israël. Celui-ci a commis sur la musique de Tchaïkovski un Prince  violent, choquant, et d’un burlesque cru, puisqu’il s’agissait de rendre grotesque le mythe du Prince charmant ( mythes qui ne sont d’ailleurs pas nés par hasard et qui font partie de l’imaginaire humain, quoi qu’on en dise). Pièce dure, peu séduisante, mais bien construite et bien menée, et qui a su amuser le public, lequel lui a décerné son prix, ainsi que la presse.
 
Contraste total avec la maîtrise, la classe et l’élégance expressive de Xenia Wiest, russe installée à Berlin et unique femme en lice. On peut ne pas apprécier la musique dure et tonitruante de Patrick Soluri, choisie pour sa pièce To be continued (photo), mais la force des attitudes, la riche invention gestique, les propositions renouvelées  au fil de cette séquence éminemment répétitive ont donné le ton d’une œuvre qui se dessine, et que la jeune femme, par ailleurs superbe ballerine tout en finesse, a déjà imposée dans sa propre compagnie, le Staatsballett Berlin. Le jury, que présidait Hélène Trailine, grande personnalité du ballet français, n’a pas hésité à reconnaître ses qualités, lui décernant son prix à l’unanimité.
 
Pour le reste, la route est encore longue, que ce soit pour le Oui de Yvon Demol, intégré à la compagnie Incidence Chorégraphique de Bruno Bouché, servi il est vrai par de remarquables danseurs de l’Opéra de Paris, et dont le pur classicisme, déployé sur Haendel et Schubert, a ravi mais peu surpris, ou pour Olaf Kollmansperger, formé à Madrid et aujourd’hui au Staatsballett Berlin qui, lui, a amusé avec sa saynète The Cooking show, une sorte de gentil Top chef à la Buster Keaton, et enfin Vitali Safronkine, danseur du Béjart Ballet Lausanne, et auteur avec Moving resonance d’une belle méditation plastique mais sans force véritable. Entre respect du patrimoine, humour corrosif et pure invention chorégraphique capable de tracer encore le chemin du ballet classique, grâce à une Xenia Wiest notamment, on s’est en tout cas trouvé des raisons d’espérer.
 
Jacqueline Thuilleux

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Biarritz, Gare du Midi, 24 avril 2016.  
 
Palmarès :
Premier prix : « To be continued »
Xenia Wiest, (Staastballett Berlin)
 
Deuxième Prix : « Prince »
Prix des Professionnels de la Danse
Prix du Public
Martin Harriague, (Kibbutz Contemporary Dance Company)
 
Prix Fondation de la Danse : « Loves, Fear, Loss »
Ricardo Amarante, (Ballet royal de Flandre)
 
Photo © Olivier Houeix

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