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Pour l’amour de Bach - 3 Questions à Jean-François Gay, directeur musical du Festival Bach en Drôme des collines

Longue histoire que celle de la présence de la musique de Bach à Saint Donat. Ancien membre des Arts Florissants, Jean-François Gay dirige le Festival Bach en Drôme des collines depuis 2006. Pour Concertclassic, il revient sur les origines de la manifestation et souligne les temps forts d’une édition 2012 qui se déroule du 16 au 28 juillet.

Bach est présent à Saint Donat depuis un demi-siècle, quelles ont été les grandes étapes du processus qui a conduit à la naissance du Festival Bach en Drôme des collines ?

Jean-François GAY : En 1962, un médecin de Saint Donat, le Dr Henri Lemonon, passionné par la musique de Bach et absolument visionnaire décidait de créer un festival dont les deux buts initiaux étaient de doter l’église de la ville d’un orgue conçu spécialement pour l’interprétation de l’œuvre du Maître et de renouer avec l’Allemagne par le biais de la musique, dans l’esprit de ce que faisaient la même année De Gaulle et Adenauer à Reims. Il avait l’idée et le talent. Il sut entraîner dans son sillage, le Père Curé André Parot et un colonel en retraite Théophile-Jean Delaye qui eurent une action tout aussi décisive au démarrage de cette grande aventure.

Dès la première année la jeune Marie Claire Alain est venue jouer et a remporté un très grand succès qui ne devait pas faiblir pendant les 47 ans de sa fidélité à Saint Donat. Depuis, les plus grands artistes sont venus, de Maurice Duruflé à Arthur Grumiaux, de William Christie à Patricia Petibon. Période faste où les subventions et le mécénat étaient plus aisés qu’aujourd’hui.

En 1982, Henri Lemonon pressentait un essoufflement quasi naturel et même à terme une « condamnation » du Festival. En 2006 des tensions et difficultés diverses conduisirent la municipalité à demander à un petit groupe d’amis dont je faisais partie de tenter de revivifier cette institution un peu vieillissante. Ma présence et mon attachement depuis l’enfance à Saint Donat, la bonne connaissance de ce Festival et surtout ma formation notamment auprès de William Christie durant vingt ans aux Arts Florissants me désignaient pour prendre la direction musicale. Pour montrer l’ancrage territorial et afficher la volonté souhaitée par le Conseil Général de rayonner dans le nord du département, j’ai choisi ce nom « Bach en Drôme des Collines » qui a été tout de suite accepté.

J’ai dessiné mon projet et, tout en gardant la spécificité du festival à travers une programmation exigeante, j’ai introduit petit à petit une ouverture à la musique contemporaine, aujourd’hui présente dans chacun des concerts. En 2006, année de transition, nous célébrions les 80 ans de Marie-Claire Alain qui offrit à cette occasion un époustouflant récital, puis en 2007 s’est ouvert le nouveau Festival Bach en Drôme. Quand, il y a déjà deux ans et demi, Marie-Claire Alain a mis un terme à son immense carrière, j’ai proposé à Thierry Escaich de devenir le parrain de notre festival, ce qu'il a accepté avec joie bien sûr !

Dans quel esprit avez-vous conçu l'édition 2012 ; quels en sont les temps forts ?

J.-F. G. : La programmation est toujours un compromis entre les souhaits, et les réalités économiques, c'est-à-dire que s’il est toujours possible d’inviter tel ou tel artiste en fonction de critères esthétiques, il n’est pas toujours possible de commander un programme sur mesure pour des raisons évidentes de coût des répétitions notamment. L’œuvre de Bach est très variée et permet de ce fait de programmer des concerts parfaitement adaptés aux différents lieux que nous offre la Drôme des Collines, c’est ce que j’ai pu faire cette année en passant des grands effectifs aux récitals de violoncelle (Christian-Pierre La Marca), de violon (Hélène Schmitt), de clavecin (Julien Wolfs) ou d’orgue (Vincent Warnier).

Il est très difficile de choisir entre ses « enfants » mais, je suis chanteur et j’ai évidemment une prédilection pour l’expression vocale de la musique de Jean-Sébastien Bach, le concert d’ouverture (16/07) que nous offre l’Opéra National de Lyon est un vrai temps fort : on y entendra des pièces d’orgue, sous les doigts d’Alan Woodbridge, et le chœur auquel j’avoue être assez fier d’appartenir, dans de extraits de cantates.

Je vous citerai aussi le concert de Thierry Escaich (20/07) qu’il n’est plus question de présenter et qui est le parrain de notre festival, il nous offre chaque année un véritable événement musical original. Cette fois ce sera avec son compère le percussionniste Emmanuel Curt, au marimba et au vibraphone entre autres. Et puis le Festival s’achèvera le 28 juillet, date anniversaire de la mort de Bach, avec le concert du Chœur Britten et de l’ensemble Unisoni que dirige Nicole Corti. Nicole fait partie de ces musiciens fidèles avec qui la programmation d’un concert est toujours une joie et riche d’enseignements. Cette année, au côté de Bach et de son contemporain Pachelbel, elle a choisi de nous présenter deux courts motets de Nicolas Bacri. Chaque concert comprend une part de musique d’aujourd’hui envers laquelle je souhaite susciter curiosité et intérêt ; c’est l’une des marques de la fraîcheur que j’essaie de conserver au Festival.

Bach en Drôme, c'est aussi une académie d'orgue et des "Musicollégiales". Comment s'organisent-elles ?

J.-F. G. : Je pense que la transmission est une part essentielle de la vie d’un musicien et, dès ma prise de fonction en 2006, je souhaitais qu’existe un véritable projet pédagogique autour du Festival, je m’en suis ouvert à Marie-Claire Alain qui avait elle-même enseigné à Saint Donat de 1975 à 1990. Alors que se nouaient les premiers contacts avec Thierry Escaich, durant l’été 2008, Marie-Claire Alain l’a nommément désigné comme « l’homme de la situation ». Thierry Escaich tient donc cette année sa troisième classe de maître d’improvisation à l’orgue pour de jeunes organistes professionnels soucieux de se perfectionner dans cette discipline très exigeante. Il est assisté de Michel Robert, organiste titulaire du grand instrument de la Collégiale de Saint Donat créé par Kurt Schwenkedel dans les années 70. Cette académie a lieux du 20 au 24 août et se termine par un concert gratuit des étudiants auxquels se joint le maître.

Michel Robert a de son côté voulu donner un souffle nouveau aux concerts d’orgue du dimanche après-midi et c’est sous le nom des Musicollégiales qu’il a conçu une série de concerts gratuits tous les dimanches de juillet et d’août à 17h, autour de l’orgue bien sûr, mais aussi avec des chanteurs et des instrumentistes.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 13 juillet 2012

Festival Bach en Drôme des collines
Du 16 au 28 juillet 2012
26260 – Saint Donat
Rens. : www.bachendrome.com

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Photo : DR
 

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