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Pierre Hantaï et Hugo Reyne au Festival du Vigan - L’art et la manière - Compte-rendu

D’église en temple, au cœur des Cévennes, le Festival du Vigan offre surprises et contrastes. Après le toujours souverain Emmanuel Rossfelder, le fulgurant Miroslav Kultyshev, héros des Piano Masters de Monte Carlo l’an dernier, le public serré dans la petite église d’Arrigas, structure romane métamorphosée en galerie de douceurs kitch au XIXe siècle, et récemment restaurées dans leur jus, a dégusté un moment de délicatesse et de beauté pure, grâce au tandem Hugo Reyne-Pierre Hantaï, dont on n’imagine pas de prime abord qu’ils puissent être autant en connexion, tant leurs personnalités semblent dissemblables. Humour, tendresse, sens de l’échange et fine poésie semblent être l’apanage d’Hugo Reyne, lequel, lorsqu’il ne dirige pas son ensemble La Simphonie du Marais, apparaît décidément comme l’un de nos meilleurs flûtistes. Musant, s’amusant, il a conté l’art de Hotteterre au public, l’amenant au cœur de cette musique délicate et infiniment libre, avant d’attaquer Corelli et Haendel, en duo donc avec un Hantaï tendu, concentré, mais la malice au coin de l’œil. Pur régal que la subtilité d’entente de ces deux-là

En deuxième partie, changement de cap pour Bach pur et dur, avec la Suite en ré mineur BWV 997 et l’Andante de la Sonate en si mineur BWV 1030, encadrant un Prélude joué par Hantaï. Là c’est au tour du claveciniste de capter l’attention, par la fluidité de ses enchaînements, la délicatesse de son parcours aussi nuancé que le clavecin peut le permettre, avec une transparence de cristal. « On n’imagine pas pouvoir tirer autant de merveilles d’un clavecin ! » s’enthousiasmait Christian Debrus, pianiste et fondateur du festival en 1976. Et certes, le jeu d’Hantaï est toujours une redécouverte.

Puis vint l’heure des bis, où Hugo Reyne exhiba un minuscule instrument destiné à apprendre aux oiseaux à chanter - le monde renversé -, et qu’il a tenté, dans le noir, d’appliquer au public, avec un résultat tout à fait plaisant. Une façon de rendre ludique un concert qui aurait pu ne pas l’être, tant le choix des musiques procédait du baroque le plus savant. L’art d’aimer.

Jacqueline Thuilleux

Arrigas, église, 15 août 2013

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Photo : DR
 

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