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Philippe Jordan dirige la 3ème Symphonie de Mahler à l’Opéra Bastille – L’extérieur d’une cathédrale – Compte-rendu

Toujours aussi élégant, gestes larges mais précis, Philippe Jordan (Jordan) se confronte à la monumentale Symphonie n° 3 de Mahler avec l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra National de Paris. Dans cet hymne à la nature en six mouvements d’environ une heure trente, il faut non seulement déployer un art de la construction mais aussi être capable de traduire les différents états d’âme d’une « œuvre-monde ». Reste que l’on peut aussi se demander s’il était raisonnable, même pour une baguette expérimentée, de s’engager dans une œuvre aussi exigeante en plein milieu des représentations des Troyens...
 
Comme à son habitude, le chef allège la texture sonore, recherche la finesse de timbre, mais ici de manière trop analytique et au détriment du souffle et de la construction de l’arche. Cela nous vaut des instants de grâce instrumentale (les interventions très pures de la petite harmonie, en particulier celles du hautbois de Jacques Tys, de la flûte de Frédéric Chatoux ou de la clarinette de Jean-François Verdier), de beauté dans la façon chambriste de dessiner les courbes mélodiques et d’éviter le pathos. Aucune vulgarité dans les collages de fanfares ou de marches militaires qui se succèdent dans le gigantesque premier mouvement. Toutefois, la force d’impact qui envahit parfois le vaisseau de la Bastille l’emporte sur l’intensité dramatique. L’impression prévaut jusqu’au final où les cordes (en particulier les premiers violons) paraissent s’épanouir avec moins d’ampleur qu’à l’ordinaire pour restituer cette amère consolation à fleur de peau.

Dans le « O Mensch ! » nietszchéen du 4ème mouvement, la mezzo Michaela Schuster possède une diction parfaite, un chant souple et raffiné, soutenu par un accompagnement orchestral plutôt retenu. Les Chœurs d’enfants (Maîtrise des Hauts-de-Seine et Chœur d’enfant de l’Opéra),  comme les Chœurs de l’Opéra National de Paris, préparés respectivement par Gaël Darchen et José Luis Basso, s’investissent avec enthousiasme malgré quelques légers décalages. Public aux anges pour accueillir une interprétation impressionnante de tenue mais qui ne convainc qu’à demi.
 
Michel Le Naour

 Paris, Opéra Bastille, 30 janvier 2019

Photo © Jean-François Leclercq / Opéra national de Paris

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