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Philippe Bianconi en récital à Gaveau - Chopin au noir

Philippe Bianconi revient à Chopin depuis quelque temps. Qu’on n’attende pas de son jeu altier qu’il y caresse les sentiments. Il est un des rares à entendre dans les Ballades les structures, la profondeur polyphonique, la complexité harmonique autant que le récit mélodique. C’est une qualité trop rare chez les interprètes de Chopin qui mettent la sourdine à la main gauche pour mieux dévergonder le chant de la main droite.  Comme une réminiscence de la tension contenue qu’y osait jadis Samson François, transparaît dans la conception qu’en dévoile Philippe Bianconi, avec chez lui ce supplément de pudeur, cette réserve qui va chercher dans un piano aussi sombre que celui de François une rumeur, des paysages lointains, un onirisme mais dans une nuit avec très peu de lune.

C’est par les quatre Ballades qu’il ouvrira son récital à Gaveau, et toujours avec Chopin qu’il le poursuivra. Les Trois valses opus 64 : triptyque déconcertant commencé par le tourbillon de la Ré bémol majeur, poursuivi par le ressac étrange de l’ut dièse mineur où les traits doivent rester dans le rythme – pas d’accelerando ! –le côté impromptu de la La bémol majeur pour finir, avec au centre son épisode de quasi-mazurka. Mine de rien un cycle où affleure parfois une ironie subtile.

Puis retour au sombre : le « sunset » extatique du Nocturne op. 62 n°1, exemple type d’une phrase où l’ornementation doit être intégrée à la ligne sans la plier, la Barcarolle toute en eau sombre et le Scherzo en mi majeur soudain plus lumineux et dont le premier exposé est toujours un casse-tête pour les pianistes. Quoi en faire ? Le jouer simplement et risquer la platitude, ou l’interpréter et risquer le ridicule ? Allez entendre comment Philippe Bianconi s’en débrouille, et comment ensuite il savoure les guirlandes du chant, sans ostentation, dans la plénitude d’un clavier nourri de medium.

On n’est pas devin, on sait tout cela car vient de paraître à La Dolce Volta (1) le programme exact de ce concert moins les trois valses. Disque parfait parfaitement enregistré parfaitement édité, qui parfaitement prolongera un concert qu’on souhaite exaltant.

Jean-Charles Hoffelé

(1) 1 CD La Dolce Volta LDV 14
 
Philippe Bianconi, piano
Œuvres de Chopin
Le 7 octobre 2014 – 20h30
Paris - Salle Gaveau
www.sallegaveau.com/la-saison/864/ph-bianconi-7-oct

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