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Pelléas et Mélisande à l’Opéra de Gand - Symphonie chorégraphiée - Compte-rendu

Produit par l’Opéra de Flandre (1) Pelléas et Mélisande fait escale à l’Opéra de Gand après avoir été étrenné à Anvers (l’autre ville du Opera Vlaanderen (2)). Une étape on ne peut mieux appropriée, quand on sait que Maeterlinck, le librettiste à son corps presque défendant de l’opéra de Debussy, fut natif de Gand ! Et un double retour : tant le domaine marécageux d’Allemonde semble lui-même s’inspirer du plat pays des environs de la cité belge...
 
Hors ces circonstances bien venues, la réalisation s’adapte parfaitement à la délicieuse salle néoclassique de l’Opéra gantois, récemment restauré avec goût. La mise en scène revient à Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, deux chorégraphes, l’un belgo-marocain et l’autre belgo-français, dont le talent n’est plus à célébrer. Et ils le prouvent une fois encore. Certes, la régie scénique fait appel à l’arrière-plan de mouvements de danse incessants, à la charge de huit danseurs masculins en maillots couleur chair dans une affriolante plastique gymnique. Mais cela convient tout à fait au propos de cet opéra allusif où l’orchestre se taille la part musicale principale. Une symphonie avec chant pour une crypto-musique de ballet !D’autant que les autres éléments de la représentation versent aussi dans la symbolique abstraite, conforme au livret, au sein d’une obscurité obstinée seulement piquée de projections d’images de galaxies, de grands menhirs blancs quelque peu phalliques plantés sur le plateau et des vêtures vaguement romantiques pour les personnages de l’action. Ce qui offre aussi à s’abstraire de la langue du livret (livret imparfait, si la pièce de théâtre d’origine ne l’est pas).

© Rahi Rezvani
 
La restitution musicale met également l’accent sur cet aspect symphonique. En raison d’un orchestre, celui de l’Opéra de Flandre, d’une présence soutenue, emporté qu’il est par la direction fouillée de l’Argentin Alejo Pérez. Presque au dépens des voix, parfois submergées par ce flot symphonique. Il est vrai que la distribution de chanteurs internationaux se signale davantage par l’homogénéité et le fondu, que par les prestations individuelles. De lyrisme pourtant, Mari Eriksmoen n’en manque pas, Mélisande au beau legato. Le Pelléas de Jacques Imbrailo (d’origine sud-africaine comme son nom ne l’indique pas), déjà habitué du rôle, possède pour sa part une belle prestance mélodique, pourvue d’éclats quand il faut. Leigh Melrose figure un Golaud peu audible dans ses premières apparitions, pour ensuite gagner en présence vocale. À noter la délicate incarnation de l’Yniold d’Anat Edri. Et pour tous les chanteurs, dans une élocution française adaptée, même si elle ne se fait pas appuyée. Un Pelléas et Mélisande revenu à ses origines, dans son essence brumeuse et symboliste.
 
Pierre-René Serna

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(1) En coproduction avec les Théâtres de la Ville de Luxembourg, l’Opéra national du Rhin et le Grand Théâtre de Genève.
 
(2) Pour la dernière saison sous la direction d’Aviel Cahn, appelé aux commandes du Grand Théâtre de Genève, auquel succèdera Jan Vandenhowe, ancien assistant de Gerard Mortier.
 
Debussy : Pelléas et Mélisande – Opéra de Gand, Opéra de Flandre (Opera Vlaanderen), 25 février.
Prochaines représentations : 1er, 3 et 4 mars à l’Opéra de Gand ; 14 et 16 juin 2018 au Grand Théâtre de Luxembourg / operaballet.be/nl/programma/2017-2018/pelleas-et-melisande
 
Photo © Rahi Rezvani

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