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Pascale Rouet au temple de l'Étoile - Au service de la musique des XXe et XXIe siècles - Compte-rendu

Les tribunes parisiennes proposant des auditions d'orgue se doivent de rivaliser d'originalité dans leur programmation. Ainsi les Dimanches musicaux du temple de l'Étoile (cf. compte rendu du 5 décembre 2010), où Liesbeth Schlumberger, titulaire depuis 1994 et professeur au CNSMD de Lyon, proposait le 1er décembre 2013, avec l'Ensemble vocal de l'Étoile, un hommage à Alexandre Cellier (1883-1968), titulaire à l'Étoile de 1910 jusqu'à sa mort, ou encore le récital de ce 5 janvier consacré – sous le patronage de deux compositeurs majeurs des première et seconde moitiés du XXe siècle – à la musique de ses contemporains par Pascale Rouet, professeur au Conservatoire de Charleville-Mézières, rédactrice en chef de la revue Orgues Nouvelles et qui, pour la musique d'aujourd'hui, a rejoint l'équipe rédactionnelle du Guide de la Musique d'Orgue à l'occasion de sa récente réédition, largement augmentée (Fayard, 1991-2012, Les Indispensables de la Musique).

Parmi les grands noms de l'orgue français, peu sont aussi investis que Pascale Rouet dans la musique de leur temps. Non seulement en tant qu'interprète (elle a gravé de nombreux CD entièrement dédiés au répertoire contemporain, notamment chez Triton et Hortus, labels eux-mêmes ardemment engagés dans la défense de l'orgue en particulier et plus généralement de la musique d'aujourd'hui – Triton arbore à son catalogue, entre autres compositeurs, quantité d'œuvres d'Olivier Greif), mais aussi en tant que pédagogue : on doit à Pascale Rouet, convaincue de la nécessité de ne pas faire reposer l'apprentissage de l'orgue sur le seul répertoire « ancien », d'avoir commandé à destination des jeunes élèves nombre d'œuvres pour orgue aux compositeurs les plus divers, dont certains étaient représentés à son concert de l'Étoile et d'ailleurs presque tous présents. L'actuelle école française d'orgue, versant compositeurs, est particulièrement vivante, à l'image du programme de Pascale Rouet, implicitement conçu tel un passage de l'ombre à la lumière : remarquable Canzona initiale de Jacques Pichard, tourmentée sur son ostinato aussi concis (juste quatre notes) que drastique, base d'un développement considérable sur fond de tension toujours plus exacerbée entre l'emprise de l'inflexible ostinato et la structure très dense qui en jaillit. Reflétant « un rapport à l'univers moins sombre mais lui aussi empli d'interrogation » (P.R.), s'ensuivirent Et si le ciel disparaît d'Antony Girard, puis l'étonnante Sonatine pour les étoiles de Valéry Aubertin (cf. l'enregistrement de ce triptyque de 1994 par Marie-Ange Leurent, sa dédicataire, dans un double CD consacré à l'œuvre d'orgue du compositeur, l'un des plus originaux de sa génération – Triton TRI 331151, 2005).
 
Pascale Rouet fit ensuite entendre Danse macabre n°1 de Christophe Marchand – mais aussi, en bis, une autre danse du compositeur, Saltarello également « obstiné » –, le Prélude 17 de Jean-Pierre Leguay (dont les œuvres figurent sur nombre de CD de Pascale Rouet) ainsi que deux Danses bretonnes de Michel Boédec, avant de finalement remonter le temps : du jeune Ligeti retentirent deux pages de sa Musica ricercata pour piano (1951-1953), œuvre de la période hongroise encore sous influence de Bartók – et de ce dernier, également dans une adaptation signée Pascale Rouet, les fameuses six Danses roumaines de 1918 (on garde en mémoire la formidable gravure du compositeur et organiste Oskar Gottlieb Blarr : Béla Bartók auf der Orgel, où à ces danses roumaines il ajoutait, notamment, des extraits de Mikrokosmos, dont les étourdissantes Danses sur des rythmes bulgares, gravure Schwann / Musica Mundi de 1976 hélas jamais reprise en CD) : une petite merveille à l'orgue venant couronner, à l'Étoile, un programme où de part en part l'omniprésence de rythmes particulièrement complexes, entre autres composantes, se révéla somptueusement maîtrisée, à l'instar de l'instrument lui-même, d'une absolue et redoutable précision dans son acoustique un peu sèche. Fort heureusement enregistré par France Musique, ce concert singulier sera diffusé le dimanche 26 janvier dans l'émission de Benjamin François Sacrées Musiques.
 
Michel Roubinet
 
Paris, église réformée de l’Etoile, 5 janvier 2014
 
Prochain concert le 2 février : Carolyn Shuster-Fournier (Paris, Trinité) et Anne-Chantal Carrière (soprano) : hommage à Vierne
 
 
Sites Internet :
 
Pascale Rouet
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pascale_Rouet
http://www.disques-triton.com/fr/interprete.asp?id=34
http://www.toulouse-les-orgues.org/le-festival/programme-2013/rubriques-laterales-bios/pascale-rouet.html
 
Église protestante unie de l'Étoile / Orgue Cavaillé-Coll–Mutin
http://www.eretoile.org/Culture/les-grandes-orgues-de-l-etoile.html
 
France Musique / Sacrées Musiques, par Benjamin François (le dimanche de 8 heures à 10 heures)
http://www.francemusique.fr/emission/sacrees-musiques/a-venir

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