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Paris - Compte-rendu : Une Rosine peut en cacher une autre

Le délicieux spectacle de Coline Serreau a trouvé enfin sa Rosine idéale, revendicatrice, femme libérée de tous les moucharabiehs et autres tchadors. Avec Joyce DiDonato, le claustrât déchiré par Rosine durant « Una voce poco fa » prend tout son sens. Quel caractère, quelle flamme !! En voici une qui marche sur les traces de Teresa Berganza. Décidément il fait un grand soleil sur les mezzos rossiniennes.

Après l’envoûtante Cendrillon d’Elina Garanca, cette Rosine de DiDonato nous redonne espoir, opposée à toute une théorie de « contraltino » à la vocalise mitraillée (Génaux, mais aussi, pardon, Cecilia Bartoli elle-même, prodigieuse pour d’autres raisons). Le timbre en lui-même n’a rien de particulier, beau médium, aigu aisé mais pas vraiment lumineux, vrai grave par contre, jamais poitriné. Mais l’art de la chanteuse est divin, ses pianissimos subito d’un autre âge, sa vocalise tendre ou corsée selon la situation idéalement expressive et virtuose. Et quel personnage, quel joli désespoir lorsqu’elle se croit abusée par Lindoro, quelle sensualité enjouée lors de la leçon de musique, et quel abattage dans son air d’entrée.

Vladimir Ognovenko ne connaît pas le même bonheur en abordant Basilio, l’un de ses premiers emplois en dehors de son russe natal. Son italien est un sabir, sa justesse au rendez vous par accident, mais l’airain de la voix, sa phonation naturelle si saisissante, nous rappellent que les chez les basses chantantes russes (Challiapine, Pirogov), la hauteur des notes étaient toujours inféodée à l’expression, et de ce coté là, Ognovenko est épatant, distillant un savant mélange de dédain et de convoitise qu’en comédien consommé il exprime d’un haussement de sourcil.

Tout le reste de la distribution s’est bonifié, à commencer par le Figaro de Dalibor Jenis, moins frustre, mieux coulé dans son personnage. Même Bruce Ford passe mieux l’épreuve belcantiste, et la baguette subtile de Daniel Oren décidément ne mérite que des louanges. Son Barbier de Séville aux petits oignons restera inscrit au livre d’or de la Bastille.

Jean-Charles Hoffelé

Opéra Bastille, le 15 janvier 2005

Programme détaillé de l’Opéra Bastille

Les DVD du Barbier de Séville

Photo: Eric Mahoudeau
 

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