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Paris - Compte-rendu : Un Saint François d’Assise éclatant


L’Opéra Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen créé en 1983 au Palais Garnier participe plutôt d’un oratorio, véritable synthèse de la création d’un compositeur tout autant habité par l’Esprit que par la Nature. Partition fleuve qui lui demanda sept années de travail, il s’inscrit dans une démarche qui rappelle celle de Hugo ou de Wagner. Le concert organisé Salle Pleyel dans le cadre du Centenaire Messiaen ne lésine pas sur les moyens face à la pauvreté enseignée par le Saint. Pas de mise en scène, mais un dispositif qui associe une mise en images (due à Jean-Baptiste Barrière) à la progression musicale des différents Scènes franciscaines. Des paysages d’Ombrie, l’Ange de Giotto, la basilique d’Assise, des ciels en mouvement, des couleurs alternées, sont partie intégrante de la dramaturgie.

Devant la scène, les chanteurs, parfois handicapés par la puissance d’un orchestre placé juste derrière eux réalisent une prouesse, en particulier le baryton Vincent Le Texier (photo). Dans le rôle-titre, il ne fait pas oublier la voix chaude et caressante de José Van Dam, mais donne au personnage une intériorité, une pureté de ligne, une sérénité et une humilité tout à fait convaincantes (prêche aux oiseaux de l’acte II, tableau des stigmates à l’acte III). Les voix masculines sont d’ailleurs toutes dignes d’éloges (excellente diction et présence de Tom Randle en Frère Massée, incarnation remarquable de Jean-Sébastien Bou en Frère Bernard, forte personnalisation d’Olivier Dumait en Frère Élie ou de Hubert Delamboye dans la figuration du lépreux, comme à un moindre degré le Frère Léon de Nicolas Courjal). On sera plus circonspect sur la prestation de la soprano américaine Heidi Grant Murphy, un Ange peu poétique au français incompréhensible et au chant sans grâce.

Chauffé à blanc, l’Orchestre Philharmonique de Radio France répond aux sollicitations du chef qui choisit de privilégier l’aspect démonstratif plutôt que l’incarnation spirituelle, plus proche en définitive de l’esprit de la Turangalîla-Symphonie que du message humain et noble de Saint François. Le second acte est impressionnant de virtuosité lors de la vibration des chants d’oiseaux (avec des percussions et des ondes Martenot flamboyantes à couper le souffle). Le dernier tableau en revanche paraît cinglant, voire claquant, illustrant de manière presque hollywoodienne l’entrée dans la nouvelle vie qui suit la mort de Saint François. Les Chœurs préparés par Matthias Brauer ont la foi chevillée au corps, la précision et la puissance qui conviennent, ressuscitant comme le veut le texte « la Force, la Gloire, la Joie ».

Au terme de ces quatre heures de musique d’une densité sans pareille, un sentiment d’écrasement se fait jour (sans doute la direction de Chung y est pour quelque chose) mais on quitte la salle avec l’impression d’avoir vécu une odyssée digne de « La Légende des Siècles ».

Michel Le Naour

Olivier Messiaen, Saint François d’Assise - Salle Pleyel, le 31 octobre 2008

Programme détaillé de la Salle Pleyel

Les prochains concerts Messiaen

Photo : DR

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