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Paris - Compte-rendu - Pierre-Laurent Aimard : un piano moderne et éloquent


Membre fondateur de l’Ensemble intercontemporain où il a côtoyé quotidiennement la création musicale pendant plus de dix-huit ans, Pierre-Laurent Aimard était tout désigné pour interpréter le premier des deux récitals pour piano programmés dans le cadre de l’invitation faite à Pierre Boulez par le Musée du Louvre, avant celui de Maurizio Pollini le 26 novembre prochain.

Premier jalon de ce parcours de la modernité musicale, les Cinq pièces pour piano op 23 de Schoenberg, acte musical fondateur du dodécaphonisme, sont éclairées par une lecture empreinte d’un certain romantisme, absolument pas didactique. Pierre-Laurent Aimard donne ainsi le ton de son récital qui révèle les continuités du répertoire pianistique au XXe siècle au moins autant que ses ruptures. Présentée par le compositeur, la Troisième Sonate (1957) de Pierre Boulez, dont deux seuls des cinq « formants » envisagés sont achevés, est une illustration parfaite de la thématique du fragment retenue pour ce cycle de concerts. De cette œuvre qui synthétise le lexique de la musique de Pierre Boulez et d’une partie importante de la création du dernier demi-siècle, le pianiste donne une lecture nerveuse mais avant tout attentive aux résonances, construisant le premier « formant » interprété, Trope, sur une animation progressive.

Les deux paires de pièces d’Elliott Carter (né en 1908) qui suivaient prolongent avec beaucoup de poésie cette réflexion. Parfait rythmiquement dans les Diversions (1999) où s’exprime tout l’art du contrepoint de celui que l’on qualifie parfois de « Boulez américain », Pierre-Laurent Aimard faisait entendre dans Two Thoughts (2006), et notamment dans la toccata de Caténaires que le compositeur lui a destinée, la parenté existant avec un autre compositeur de la génération de Pierre Boulez, György Ligeti (1923-2006). Le concert s’achevait avec les Îles de feu de Messiaen, extraites de ses Quatre études de rythme (1950). Alors que l’on a pu entendre à maintes reprises l’œuvre du compositeur-ornithologue à l’occasion du centenaire de sa naissance, Pierre-Laurent Aimard en souligne, par une interprétation éclatante, véhémente même, la parenté avec la sonate de Boulez ou avec certains Klavierstücke de Karlheinz Stockhausen qui auraient tout aussi bien pu trouver leur place dans ce récital.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Auditorium du Louvre, 14 novembre 2008

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Photo : DR

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