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Paris - Compte-rendu - Pierre Boulez, toujours moderne, déjà classique


Lorsqu’il fonda l’Ensemble intercontemporain en 1976, Pierre Boulez souhaitait doter la France d’une formation capable de défendre les « classiques du XXe siècle » tout en œuvrant à la découverte et à l’exploration de nouvelles voies musicales. Plus de trente ans après, le but reste le même. La nécessité aussi si l’on considère que les œuvres de Stravinsky inscrites au programme de ce concert – Deux poèmes de Balmont et Trois Poésies de la lyrique japonaise – sont aujourd’hui encore rarement exécutées. Dans ces courtes pages, contemporaines de Pétrouchka et du Sacre du printemps, la virtuosité coloriste des musiciens de l’Ensemble intercontemporain rend parfaitement justice à l’instrumentation, inspirée par celle du Pierrot lunaire de Schoenberg. Mises en regard de Stravinsky, les deux Improvisations sur Mallarmé (1957) semblent elles aussi avoir rejoint les rangs des « classiques du XXe siècle ».

La voix sans affect de Christine Schäfer y participe comme chez Stravinsky à la construction musicale aux côtés de l’orchestre – tout en retenue dans Improvisation I confiée aux seules percussions dans la version initiale de 1957 dirigée ici, plus volubile, avec de nombreux passages de tempo libre, dans Improvisation II. Pierre Boulez dirige ses œuvres avec délectation : Mémoriale reste énigmatique et éblouissante vingt-trois ans après sa création et Dérive 1 prend des allures de concerto pour petit orchestre.

Alors qu’il poursuit son activité de compositeur – il écrit actuellement Anthèmes 3 pour violon et orchestre – Pierre Boulez continue, à 83 ans, de susciter et créer des œuvres nouvelles. Zug, pour septuor de cuivres, de l’Allemand Enno Poppe (né en 1969), œuvre à la fois presque statique et rendue très fluide par l’utilisation des micro-intervalles, progresse par l’agrégation d’éléments rythmiques exogènes (fanfares, réminiscences de jazz à la Bernd Alois Zimmermann). Fifth Station du Japonais Dai Fujikura (né en 1977) impressionne davantage. Cette nouvelle version d’une œuvre créée en 2004 montre une écriture acérée en blocs sonores et rythmiques (à la manière du Stockhausen de Gruppen), sensible dès la stupéfiante cadence initiale du violoncelle (remarquable Éric-Maria Couturier). La dispersion des dix musiciens dans l’espace de l’auditorium offrait, de plus, une occasion inestimable d’observer la direction très concentrée du chef, face au public, ne laissant derrière lui sur la scène que violoncelle et trompette.

Jean-Guillaume Lebrun

Auditorium du Louvre, mercredi 19 novembre 2008

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Photo : DR

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