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Paris - Compte-rendu - Messager à nu ; L’Amour masqué par l’Ensemble Orchestral de Paris

Le printemps nous rapporte Messager dont on célébrait l’an passé le cent cinquantenaire de la naissance, et un de ses chef d’œuvre de la maturité, cet Amour masqué qu’un délicieux livret de Guitry fait toujours d’actualité. Guitry destinait initialement sa pièce au célèbre compositeur anglais de comédies musicales Yvan Carryl qui se tua sans prévenir en tombant dans l’escalier de sa demeure. Le livret orphelin irait comme un gant à Messager qui écrivit le rôle d’Elle pour Yvonne Printemps, Lui ne pouvant être que Guitry. Pour l’occasion, Messager, toujours aussi caustique malgré sa santé déclinante et ses soixante-dix ans, composa même un air pour Guitry, avec des intervalles simples : l’auteur dramatique était un chanteur improbable.

Montée avec trois bouts de ficelle, la « mise en espace » (il faudra nous expliquer un jour ce que cela signifie) de l’Opéra Comique ne prétendait ni à l’exhaustivité du texte ni à une véritable représentation. Une direction sans chic aurait pu ruiner l’entreprise, mais la musique de Messager résiste à peu près à tous les traitements, et l’ouvrage est délicieux. Dommage, Elle, pleine d’abattage et d’entrain, ne voulait pas que l’on comprenne une seule de ses syllabes (sauf pour le fameux « j’ai deux amants »).

Qu’est-il arrivé à Laurence Janot dont le français est en général parfait ? Bernard Alane fut exemplaire, proposant une alternative au ton Guitry, l’Interprète d’Eric Laugerias, un peu fâché avec la battue du chef pour son air, impayable, surtout lorsqu’il fait passer dans sa voix un fantôme bicéphale réunissant Malraux et De Gaulle, Francis Dudziak en Maharadjah assez désopilant avec son « tronchka » détonnant, et Michel Trempont parfait en personnage sortit tout droit du théâtre de Labiche.

Une mention spéciale à Isabelle Fleur (photo ci-dessus), dont la seconde servante fruitée fut un régal de naïveté et d’épate à la fois. Si tout tournait rond dans notre monde musical parisien, nous devrions avoir chaque année, mis en scène, trois opérettes ou opéra comiques de Messager à la Salle Favart : Fortunio, François les bas bleus et cet Amour masqué qui alterneraient avec des œuvres de Beydts, Yvain, Planquette ou Grétry…..mais le temple des muses légères s’en va conquérir Bercy avec les Contes d’Hoffmann….

Jean-Charles Hoffelé

Photo : DR
 

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