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Paris - Compte-rendu - Etrange programme pour le concert des Wiener Philharmoniker et de Riccardo Muti

Le chef milanais avait substitué la Symphonie « la surprise » à la 103e « Roulement de timbales». Comme les Wiener Philharmoniker sont à l’aise chez Haydn, même corsetés par la baguette impérieuse et amusée de Muti ! Cela coule de source, les traits virevoltent, les pupitres sont sur les pointes, sauf pour un scherzo en sabot et bien lent, à l’ancienne, où la tradition se fait un rien « schlampereï », mais son très joli trio en quintette rachetait cela. On regrettait pourtant le caractère, l’éclat dont Beecham, Bernstein, Scherchen savaient cravacher leur Haydn, mais à Vienne il fut toujours chanté et bonhomme. Dont acte.

Erreur de casting pour la Troisième de Scriabine, que les Wiener Philharmoniker, avides de découvrir de nouveaux répertoires depuis qu’ils n’ont plus de directeur musical attitré, inscrivaient pour la première fois à leur programme. Avec un guide aussi inspiré dans cette œuvre (Muti a signé au disque une des plus belles intégrales « occidentales » de la musique d’orchestre de Scriabine avec l’Orchestre de Philadelphie), on pouvait espérer le pari possible.
Las ! Dés l’exorde le manque d’attaque typique des cuivres viennois menaçait dangereusement l’édifice. Muti ne parvint pas à insuffler à la phalange danubienne les élans, les accents, les coups de boutoirs dont le compositeur a truffé sa partition, se réfugiant derrière une esthétique art nouveau qui niait le feu brûlant que l’œuvre exalte. Transformé en exercice de style, la musique incantatoire de Scriabine perdait tout sens, restait uniquement une exécution impeccable mais bien peu idiomatique : ainsi le concert d’oiseaux du lento (pourtant indiqué Volupté) devenait une illustration prosaïque où le gros piccolo viennois bourdonnait méchamment.

Il est des œuvres qui sont inscrites dans les orchestres de leurs pays, celles de Scriabine veulent des flûtes de bouleaux, des cordes de lave, des bois acides, des soli de violon arachnéens, minces comme des fils de la vierge. L’embonpoint, la bonne santé tranquille des Viennois l’ignoraient radieusement.

Jean-Charles Hoffelé

Concert des Wiener Philharmoniker et de Riccardo Muti, Théâtre des Champs-Elysées, le 4 Mai 2005.

Photo: DR
 

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