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Paris - Compte-rendu - Création française des Correspondances de Dutilleux

Poursuivant une collaboration engagée depuis l’année dernière avec Henri Dutilleux, Kurt Masur et l’Orchestre National de France se sont chargés de la création française de Correspondances (2003), un cycle de cinq mélodies pour soprano et orchestre dédié à Sir Simon Rattle et Dawn Upshaw.

Dutilleux utilise tantôt des extraits de lettres de Vincent Van Gogh à son frère Théo et de Soljenitsyne à Rostropovitch, tantôt des poèmes. Ces Correspondances ont été un véritable enchantement. Avec cette oeuvre, le compositeur français, âgé de 88 ans, prend place dans la grande tradition de la mélodie française: il s’inscrit dans la lignée de Debussy, par son attention à ménager le texte et à en proposer une mise en musique qui respecte le sens et l’accentuation (comment ne pas songer à la scène de la lettre dans Pelléas ?), sans toutefois s’interdire à tel ou tel moment des mélismes, toujours bienvenus.

Par la splendeur du coloris orchestral, par la délicatesse des nuances, par le raffinement de l’orchestration, il fait songer à Ravel, en particulier au Ravel de Shéhérazade. Dutilleux, en auteur classique, parvient à faire la synthèse de langages musicaux très divers, depuis les accents modaux entendus dans les lettres de Vincent à Théo jusqu’à l’atonalité des Gongs 1 et 2, sur des poèmes de Rilke. L’orchestre est rarement traité massivement, laisse la voix s’épanouir, l’enserre dans un splendide écrin sans jamais l’étouffer.

Kurt Masur et l’ONF ont servi à merveille l’œuvre de Dutilleux, et le compositeur, ravi, est venu saluer à plusieurs reprises les interprètes et le public du Théâtre des Champs-Elysées, visiblement ému par les accents profonds et séducteurs de cette musique. Quel dommage cependant que la diction de Barbara Hannigan, chanteuse canadienne qui interpréta ces cinq mélodies, n’ait pas toujours été parfaite !

En complément de programme Masur a interprété un des chevaux de bataille du répertoire, qui trouvait logiquement sa place après Dutilleux : la Schéhérazade de Rimsky-Korsakov. Il en a livré une interprétation solide, vigoureuse parfois, mais non exempte de relâchements à certains moments, notamment dans les mouvements centraux. L’orchestre a fini par se sentir un peu plus concerné dans le dernier mouvement, qui fut une réussite, et permit enfin d’entendre une interprétation moins prosaïque qu’auparavant. Si les cordes restaient honnêtes, le pupitre des vents abrillé de mille feux, et c’est à ces musiciens que le public a réservé une ovation méritée à la fin du concert.

Christophe Corbier

Théâtre des Champs Elysées, le 16 septembre 2004.

Photo: DR
 

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