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Paris - Compte-rendu - Cosi fan tutte à l’Athénée - Mozart du côté de Cambridge


Sous prétexte que Cosi fan tutte de Mozart est une « école des amants » où de tout jeunes gens sont initiés aux intermittences du coeur et du corps par un vieux Casanova de bistrot, est-ce une raison pour les enfermer dans un collège anglais ? On serait tenté de répondre par l'affirmative dans la mesure où cette initiation aux choses de la vie amoureuse tient du théâtre de marionnettes dont les deux manipulateurs s'appellent Don Alfonso et Despina. Dès lors, on peut admettre que les deux garçons de ce quatuor expérimental partent subitement avec leurs sacs frappés de l'Union Jack vers quelques Îles Malouines... Quant aux filles, il faut accepter qu'elles n'aient plus rien de l'âme et de la précocité méditerranéennes des nobles damoiselles napolitaines d'origine pour se muer en petits rats de bibliothèque vêtues de robes bleues cousues de préjugés bourgeois et un brin nunuches.

Le seul inconvénient de cette transposition parfaitement légitime dans notre siècle, c'est l'affreux et lourd décor unique signé Damien Caille-Perret, digne d'Agatha Christie ou de la taverne où loge Sir John Falstaff : un autre monde. Car le brouillard reste étranger à la lumière de Mozart. C'est la seule vraie fausse note de ce spectacle produit par la Maison de la Culture de Bourges présenté au Théâtre de l'Athénée dans une mise en scène intelligente et fouillée de Yves Beaunesne qui n'a esquivé aucune difficulté de ce pari stupide où est pris qui croyait prendre: personne n'y gagne, nul n'y est à son avantage. Sauf peut-être la Despina croquée en petite soeur de Figaro.

Très jolie idée du chef François Bazola, patron de l'ensemble baroque PhilidOr, qui pour s'adapter à l'itinérance de ce Cosi s'est laissé guider par la clarinette, reine de la partition, pour s'inspirer de l'effectif de la fameuse Sérénade pour 13 instruments à vent K.361. Son seul tort : avoir rajouté deux flûtes en bois d'époque que Mozart avait soigneusement évitées parce qu'il ne les trouvait pas assez fiables! Et les cors naturels ne le sont pas davantage. Tous les autres constituent une volière ravissante où s'ébroue joyeusement une distribution juvénile.

Au début, les jeunes chanteurs sont un peu à la peine entre les pièges tendus par Mozart et les exigences du metteur en scène avant de trouver leurs marques : remarquable exercice d'insertion professionnelle supervisé par une institution spécialisée l'Arcal. On remarque l'excellent baryton Christophe Gay, Guglielmo matamore au grand coeur, son rival Ferrando, le ténor François-Nicolas Geslot, n'a pas une intonation au diapason de la délicatesse de son timbre. Les trois filles (Magali de Prelle, Fiodiligi, Mélanie Gardyn, Despina, et Amaya Dominguez, Dorabella) passent la rampe et les obstacles sans encombre majeur à la grande satisfaction du public.

Pour Don Alfonso, on a préféré à un vétéran sans voix, un baryton d'expérience certes, mais avec tous ses moyens en la personne de Lionel Peintre qui ne craint pas de se laisser entraîner hors de la tradition dans des situations plus scabreuses, mais autrement plus riches de psychologie: le maître aussi connaît quelques déboires, et pas seulement avec Despina. Il y a dans ce spectacle tout un second degré qui sort directement de la langue utilisée par Da Ponte et des notes de Mozart: il n'en est que plus délectable.

Jacques Doucelin

Mozart : Cosi fan tutte : Paris, Théâtre de l’Athénée, 1er avril 2009

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Photo : DR

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