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Orfeo par Les Nouveaux Caractères à Avignon - Intimité et expressivité - Compte-rendu

Prototype du genre lyrique – moyennant quelques accommodements avec la chronologie – l'Orfeo de Monteverdi, fable plus qu'opéra, se distingue par sa simplicité dramatique. Une toile soutenue par trois mâts derrière laquelle s'esquissent les apparitions venues de l'au-delà, quelques planches et les instrumentistes sur les côtés du dispositif, la mise en scène imaginée par Caroline Mutel, qui tient par ailleurs avec sensibilité le rôle de La Musique, se met au diapason de l'extraordinaire économie de moyens de la partition – mesurons la beauté de la métaphore consistant à confier les ficelles du récit à la Muse. Créée en 2011 au Théâtre de La Renaissance d'Oullins où Les Nouveaux Caractères étaient en résidence – ils sont désormais accueillis par la Chapelle de la Trinité à Lyon – la production a été présentée à Versailles en janvier dernier, puis à Besançon. C'est dans le cadre du festival de Musique Ancienne Avignon-Vaucluse qu'elle est accueillie par la cité des Papes, avant une tournée l'année prochaine.

Ceux qui ont assisté aux représentations à l'Opéra Gabriel ne peuvent manquer d'être frappés par son intelligence, ayant su s'adapter aux variations des dimensions de plateau. Le resserrement de celui de l'Opéra-Théâtre d'Avignon favorise une intimité soulignée par des éclairages évocateurs, dûs à Fabrice Guilbert : blafards dans le royaume des Morts, solaires dans l'Assomption finale sous les auspices d'Apollon. Le résultat dévoile un naturel que les ors et la vastitude versaillais n'autorisaient pas, et nourrit audiblement les interprètes. Dans le rôle de l'aède mélancolique, Jean-Sébastien Bou déploie jusqu'au murmure un remarquable nuancier affectif. Délicate Virginie Pochon en Eurydice, Messagère d'une belle intensité par Hjordis Thebault, rayonnante Proserpine de Sarah Jouffroy aux côtés du solide Pluton de Jérôme Varnier, royale apparition de Ronan Nédelec en Apollon, la distribution affiche une diversité poétique analogue à celle de l'ouvrage. Geoffroy Buffière compose un Caron à l'émission ronde et sombre, mais sans excès.

Il n'y a pas jusqu'aux Nouveaux Caractères que l'on ne sent portés par l'alchimie de la soirée. Sébastien d'Hérin révèle les deux polarités de la musique de Monteverdi, entre l'éclat rude des sacqueboutes et des cornets, exemplaire dans la toccata inaugurale, et les accords diaphanes de la harpe ou de la viole de gambe – admirable Martin Bauer. Effectif limité – dix instrumentistes seulement – mais souplesse expressive maximale. On émettra quelques réserves quant à l'Espérance sur pointes de Théophile Alexandre et le contre-ténor de caractère Jean-Paul Bonnevalle, berger et Esprit, truculent quoique dépourvu de l'abattage d'un Dominique Visse, sans pour autant altérer un spectacle qui semble avoir trouvé sa vérité.

Gilles Charlassier

Monteverdi : Orfeo – Opéra-Théâtre, Avignon, 31 octobre 2012

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Photo : DR
 

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