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Olivier Cavé en récital à Gaveau – Quand la forme jubile – Compte-rendu

Après des CD Scarlatti, Clementi et Bach (chez Aeon), Olivier Cavé collabore depuis quelque temps avec le label Alpha. Toute récente, la sortie d’un très beau programme Haydn-Beethoven a été le prétexte d’un récital à Gaveau dans la série des Concerts Parisiens de Philippe Maillard. On n’avait jamais encore fait l’expérience du jeu de l’artiste suisse en direct : un moment de pur bonheur musical !

Enoncé un peu goguenard du thème des Variations «Ah, vous dirai-je, maman »... et nous voilà lancé dans un cycle que l’interprète explore avec un toucher d’une clarté et d’une luminosité pour le moins singulières ! A ceux qui craignent les Mozart compassés et poudrés, on ne peut que recommander cette approche pleine d’étonnement où l’humour le dispute à la tendresse.

La séduction n’est pas moindre avec la Sonate en ré majeur Hob. XVI. 37 de Haydn. A l’instar de Beethoven – qui en prendra d’ailleurs de la graine ... – le maître d’Esterhaza fit de la sonate pour piano un véritable laboratoire ; un terrain d’expérimentation où forme et expression scellent une fructueuse alliance. Les grands interprètes haydniens sont rares : cet Allegro piaffant, ce Presto (vraiment ma non troppo) d’une clarté exemplaire et ce Largo plein d’étrangeté en signalent un, de premier ordre.

Scarlatti a beaucoup fait pour la réputation d’Olivier Cavé (deux CD chez Aeon) ; le bouquet de six sonates qu’il place en conclusion de sa première partie traduit un parfait art de la caractérisation, et rappelle aussi combien l’inépuisable invention virtuose de l’Italien a pu marquer contemporains et successeurs.

Olivier Cavé © cave-olivier.com

Olivier Cavé aime à ponctuer ses récitals de commentaires – brèves interventions, aussi éclairantes pour l’auditoire que dénuées de pédanterie. Après la pause, il rappelle l’admiration et la dette de Beethoven envers Muzio Clementi. Suit une « Pathétique » qui peut surprendre des auditeurs habitués à des approches plus « chargées » de l’ouvrage. Mais c’est d’abord vers les sources de l’inspiration d’un musicien d’à peine trente ans que le pianiste regarde. Plutôt que de chercher dans l’Opus 13 des sentiments qui n’y sont pas – n’en concluez surtout pas à de la distance ou de la froideur ; la prégnance poétique de l’Andante cantabile prouve tout le contraire – il s’attache d’abord à la jubilation formelle propre à un opus charnière dans le massif des Sonates.
On n’est pas moins convaincu par la 1ère Sonate, toujours de Beethoven, qui referme le programme avec l’énergie – débordante de prémices – d’un turbulent génie en devenir. Un régal pour l’esprit comme pour le cœur !
 
Alain Cochard

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Paris, Salle Gaveau, 8 février 2018
 
Photo © cave-olivier.com
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