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​Olari Elts et l’Orchestre National de France au Festival Présences – Eloge du timbre – Compte-rendu

Présenté comme l’un des grands rendez-vous de l’édition 2017 du Festival Présences, le concert de l’Orchestre National dirigé par l’Estonien Olari Elts (photo) a répondu à toutes les attentes, offrant au public une vision à large spectre du langage de Kaija Saariaho (l’invitée d’honneur de la manifestation) et de ses amis compositeurs.  
 
La pièce du Tchèque Ondřej Adámek (né en 1979) intitulée Polednice pour chœur et orchestre s’écarte un peu de l’épure par la densité de l’orchestration, le jeu des contrastes et une constante inventivité rythmique. Tirant argument d’un poème romantique de Karel Jaromír Erben sur le pouvoir maléfique d’une sorcière légendaire, la partition déjà présentée à Varsovie en 2013, mais donnée dans une nouvelle version, se situe entre rêve et réalité avec l’utilisation d’une instrumentation ludique (ustensiles de cuisine, jouets, bruits divers de la vie quotidienne). L’atmosphère joyeuse, voire surréaliste, tourne progressivement au drame (la mort des enfants) et le Chœur de Radio France, superbement préparé à la langue tchèque par Martina Batič, scandent l’action avec ferveur et sens du théâtre. Une véritable découverte !

 

Kaija Saariaho © Maarit Kytöharju

True Fire, pour baryton et orchestre (2014), la dernière œuvre de Kaija Saariaho créée en 2015 à Los Angeles sous la baguette de Gustavo Dudamel, est servie par l’un de ses interprètes de prédilection, le baryton américain Davón Tines, voix chaleureuse, profonde et mordorée qui rend toute sa substance à cette partition sur des poèmes d’Emerson ou des textes indiens traditionnels. Les six séquences, d’une écriture subtile et expressive, répondent à la recherche de timbres et de couleurs si caractéristiques de l’auteur.
 
Après l’entracte, Extinction des choses vues (2007) de l’Estonienne Helena Tulve (née an 1972), d’après un texte du philosophe jésuite Michel de Certeau, élabore un réseau de sonorités qui prend tout son sens dans une progression subtilement agencée se perdant in fine dans la profondeur méditative des basses.
Pour conclure, Orion (2003), vaste fresque symphonique de Saariaho, plonge de manière saisissante au cœur des ténèbres et de la lumière. La texture dense de l’orchestration, entre violence contrôlée et souffle inexorable (avec l’appui de Thomas Ospital à l’orgue), n’interdit jamais la transparence. A la tête des instrumentistes du National, Olari Elts fait preuve d’une constante maîtrise dans la précision et la souplesse du geste. Régulièrement invité par l’Orchestre de Bretagne entre 2006 et 2011, le chef estonien faisait là sa première apparition à la tête d’une des formations de Radio France. Puisse-t-on le retrouver bientôt dans la capitale.
 
Michel Le Naour

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Paris, Auditorium de Radio France, 16 février 2017

Photo Olari Elts © Marco Borggreve

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