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Norma au Grand-Théâtre de Bordeaux - Efficace et déroutant – Compte-rendu

Appréciée de Wagner qui sut parfois s’en inspirer, Norma, si peu représentée sur les scènes hexagonales, constitue toujours un défi que le Grand-Théâtre de Bordeaux a relevé. Venue d’Opera North (Leeds) et du Théâtre d’Etat de Chemnitz, cette production sort incontestablement des sentiers battus en raison de la mise en scène déroutante -  et bruyante -  de Christopher Alden. L’affrontement entre Gaulois et Romains est situé sur le territoire de la perfide Albion dans une communauté celte où les druides ont des figures d’Amish révoltés. Unique décor de Charles Edwards : un gigantesque tronc d’arbre manipulé par un treuil suspendu au-dessus des têtes. Entre la bûche et le bûcher, point de salut pour la chaste prêtresse qui, en se commettant avec l’occupant, a signé son arrêt de mort !
 
Pour sa prise de rôle, Elza van den Heever, grands moyens, voix puissante, a choisi de passer en force avec une autorité qui ne se dément jamais. On rêve de ces demi-teintes, de ces nuances infinies (« Casta Diva »), de ce frémissement entre passion et devoir que d’autres ont incarnés jadis. Plus wagnérienne que belcantiste, la cantatrice possède, à n’en pas douter, un réel sens de la psychologie du rôle-titre tout en poussant au maximum ses possibilités expressives proches d’Elektra ou de Médée, alors qu’elle a su être en d’autres occasions une véritable mozartienne. Andrea Carè incarne un Pollione inégal, capable toutefois de se mettre au niveau de sa partenaire et de faire preuve d’assurance par une ligne vocale au phrasé maîtrisé (duo « In mia man »).
 

© Guillaume Bonnaud

 La mezzo-soprano Jennifer Holloway, timbre chaleureux et frémissant (duo « Va crudele » avec Pollione), offre d’Aldalgisa une vision gorgée d’émotion, de tendresse et de subtilité. Seconds rôles bien distribués, en particulier l’Oroveso de James Creswel, basse profonde de père noble à la prestance imposante.
Héroïque, martial, le chef américain John Fiore ne fait pas dans la demi-mesure, mais sait accompagner les chanteurs  avec précision et conduire sur les chemins du drame l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine ainsi que le Chœur (préparé par les soins de Salvatore Caputo) très investi. Succès public et nombreux rappels pour un spectacle théâtralement décalé et musicalement efficace.   
 
Michel Le Naour
 
Bellini : Norma - Bordeaux, Grand Théâtre, 25 mai 2015 ; prochaines représentations les 31 mai, 3, 6, et 9 juin 2015 / www.opera-bordeaux.com

Photo © Guillaume Bonnaud

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