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Nabucco avant Nabucco - Une interview de Leonardo Garcia Alarcón

Grâce au Festival d’Ambronay et à Leonardo Garcia Alarcón on a pu découvrir en concert puis au disque l’étonnant Diluvio universale de Michelangelo Falvetti (1642-1692). Le chef argentin poursuit cette année l’exploration de l’œuvre du singulier compositeur sicilien et interprète l’oratorio Nabucco avec sa Cappella Mediterranea et le Chœur de chambre de Namur lors de la soirée inaugurale d’Ambronay 2012. Débordant de projets et d’enthousiasme, Leonardo Garcia Alarcón répond à concertclassic.

Comment avez-vous retrouvé le manuscrit de ce Nabucco de Falvetti ?

Leonardo Garcia Alarcon : Après Il Diluvio universale, je cherchais une autre pièce de Falvetti. Au départ, Nicolò Maccavino, le musicologue avec lequel j'avais travaillé pour Il Diluvio, ne pensait pas qu'il en existait. Il a finalement trouvé la partition de Nabucco à Naples dans la bibliothèque d'un couvent. Il en existe plusieurs versions mais c'est une pièce qui a tout de suite attiré mon attention parce qu'elle a une résonance particulière : c'est la première fois qu'était mise en musique cette histoire de la Bible à partir du livre du prophète Daniel.

Y retrouve-t-on les même caractéristiques d’écriture que dans Il Diluvio ?

L. G. A. : En partie. Il y a les mêmes qualités poétiques, dans les trios ou les choeurs par exemple. Mais ici, Falvetti fait place à une véritable narration autour de Nabucco en colère qui veut faire brûler trois enfants parce qu'ils refusent d'adorer le dieu qu'il veut que tout le monde adore. Même si c'est un oratorio, Nabucco est en ce sens un ouvrage beaucoup plus dramatique, dont la musique est centrée sur les relations entre les personnages alors qu'Il Diluvio était un ouvrage plus abstrait. En ce sens, Falvetti est allé encore plus loin que dans Il Diluvio. C'est vraiment une œuvre pionnière dans l'histoire de l'opéra.

Vous avez dû utiliser des instruments d'époque spécifiques ?

L. G. A. : Oui, nous sommes allés chercher des percussions iraniennes, pour les passages très doux lorsque Nabucco est dans sa chambre, avant qu'il ne se mette en colère, puis évidemment pour les passages guerriers. On utilisera aussi le Ney, un instrument de la musique sacrée notamment en Syrie et en Egypte, et le bouzou, l'ancêtre de la clarinette.

Vous aviez joué du Verdi en bis après Il Diluvio l'an passé à Ambronay. Allez vous récidiver pour Nabucco ?

L. G. A. : On y a beaucoup réfléchi. Mais je pense que cette fois on ira peut-être davantage vers Mozart. Il faut toujours essayer de surprendre !

Vous dirigerez aussi le Requiem de Mozart à Ambronay. Dans quelle version ?

L. G. A. : Je ne pense rien apporter d'original d'un point de vue formel. J'espère que c'est l'interprétation qui fera la différence. J'ai étudié toutes les versions du Requiem et je désire m'en tenir à Mozart. Je ne veux pas jouer les parties complétées par d'autres compositeurs comme je ne veux pas jouer le Sanctus ou le Benedictus parce que je n'y entends pas Mozart. J'ai donc choisi les meilleurs orchestrations existantes pour composer la meilleure version possible de ce qu'avait écrit Mozart. Je ne pense pas qu'il faille jouer une version particulière, mais la meilleure possible.

Pensez-vous aussi revenir à Rossini après la formidable Cambiale di matrimonio que vous avez montée avec l'Académie d'Ambronay ?

L. G. A. : Oui, ne serait-ce que pour donner un peu tort à Beethoven qui pensait que Rossini devait se limiter à l'opera buffa ! Même s'il écrivait par ailleurs qu'il était le plus grand compositeur pour la voix... Je voudrais monter des Rossini seria, comme Tancredi dont le finale extraordinaire me rappelle beaucoup l'écriture de Monteverdi. Peut-être allons-nous pouvoir le faire en Italie. J'adorerais le donner avec Joyce DiDonato, pour qui j'ai écrit régulièrement des ornementations pour ses interprétations baroques, de Haendel par exemple. Espérons !

Propos recueillis par Luc Hernandez en juillet 2012

Falvetti : Nabucco
Dir. Leonardo Garcia Alarcón
14 septembre 2012 – 20h30

Mozart : Requiem
Dir. Leonardo Garcia Alarcón
29 et 30 septembre – 20h30
Abbatiale
Centre culturel de rencontre d’Ambronay

Festival d’Ambronay du 14 septembre au 7 octobre 2012
www.ambronay.org

Leonardo Garcia Alarcón vient de publier au disque Sogno Barocco avec Anne-Sofie Von Otter (Naïve) et Musique pour les fêtes et mariages (Bach-Böhm) chez Ricercar.

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Photo : Bertrand Pichène
 

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