Journal

Musique de chambre au Festival de Salzbourg -  L’intériorité en partage - Compte-rendu


Voilà bien deux véritables leçons de musique : l’une, lors du « concert de soliste »s, par Lang Lang, Vadim Repin et Mischa Maisky, l’autre lors de la prestation du trio constitué par Lisa Batiashvili, Till Fellner et Adrian Brendel (photo). Il apparaît, en ces deux soirs, une commune préoccupation : retrouver, dans l’intensité, la profondeur des voix intérieures.

Les douze Etudes op 25 de Chopin sont exécutées de façon aussi personnelle qu’intéressante par Lang Lang qui ajoute à une virtuosité somptueuse la recherche de la mise en valeur polyphonique des rapports sonores. Ainsi, le chant de la voix médiane, dans l’Etude n°7, en rehausse la beauté. De surcroît, chaque étude respire, des dynamiques de type vocal se transmettent d’une main à l’autre, avec des ralentissements, des mouvements de drapés, qui ne nuisent jamais à la structure, bien au contraire.

Vadim Repin et le violoncelliste Mischa Maisky jouent souvent en trio avec Lang Lang. Or, aussi bien dans le Trio élégiaque n°1 de Rachmaninov que dans l’Opus 49 de Mendelssohn, ces trois artistes proposent une exécution neuve : le pianiste joue tout le temps en relief par rapport à ses partenaires, même quand il les accompagne, mais sans les couvrir ; il les guide sans s’imposer ni s’effacer. Les cordes savent jouer pianississimo, créant l’intimité et ouvrant à la méditation et l’intensité. Encore faut-il un piano magistral, rayonnant, et des cordes qui savent murmurer en étant entendues au fond d’une immense salle. Ovations émues et émouvantes. L’Andante du trio de Mendelssohn avec sa mélodie mélancolique et répétitive, est redonné en bis, encore plus bouleversant. Long silence avant les applaudissements.

Un même esprit se retrouve dans le trio suivant, largement viennois quand le précédent était cosmopolite Avec le Trio en ré majeur, Hob. XV. 24 de Joseph Haydn, aux trois voix guère différenciées nous sommes loin des trios de Mozart. Le Trio de Harrison Birtwistle (né en 1934) - crée en avril dernier par T. Fellner, A. Brendel et Corey Cerovsek - ne paraît pas impérissable. Il semble déjà dater.

Lui succède pour notre bonheur, entendu, nous pouvons le dire, comme jamais, le célébrissime Trio op 97 « L’Archiduc », hommage à l’amitié qui unit le prince et le compositeur, est donné, mieux, nous est offert, dans une exécution à la fois simple et sublime. Le secret des plus grands. Finesse, noblesse de l’interprétation. L’écriture de Beethoven comprise en profondeur par ceux qui l’entendirent avant même le berceau, à Vienne, Adrian Brendel, fils d’Alfred Brendel, Till Fellner, élève du grand maître et complice de son fils et par la belle violoniste géorgienne qui se joint régulièrement à eux, une fondation japonaise lui confiant alors un Stradivarius. L’oeuvre est comme transfigurée par cette interprétation. Le jeu du grand beethovénien Till Fellner s’auréole d’une lumière sereine et les échanges avec Adrian Brendel, à la fois si généreux et retenus, dans leurs complicité, sont à couper le souffle; l’excellente violoniste, au son si pur, en est comme intimidée, ce qui ajoute à l’émotion.

Ce n’est pas une musique, c’est une civilisation qui se met à nous parler, discrète par élégance et parce qu’elle sait qu’elle appartient au passé.

Françoise Ferrand 

Festival de Salzbourg 2011 -Grosses Festspielhaus, 16 août ; Stiftung Mozarteum, Grosser Saal. 26 août 2011.

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Françoise Ferrand

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles