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Miroslav Kultyshev joue Chopin - La nouvelle vague russe - Compte-rendu

 
Il n’a rien de ces monstres de virtuosité au toucher  percutant, venus du froid, et dont les concerts laissent les oreilles épuisées, sans parler du clavier. Pourtant, il fait tout avec le même brio, mais il a un secret : Miroslav Kultyshev, né en 1985 à Leningrad, allure timide et effacée, trace son sillon en profondeur, et ne cherche guère à être spectaculaire. Sa carrière plus que précoce - premier concert à six ans, puis Mozart à 10 avec la Philharmonie de Saint-Pétersbourg et Temirkanov ! - ne l’a pas coupé du monde et ne lui a pas faussé une sensibilité qu’on découvre frémissante. La suite, le second prix au Concours Tchaïkovski à Moscou, en 2007, puis le Monte-Carlo Piano Masters en 2012, l’ont mis sur orbite, sans qu’il se donne des airs de star.
 
Et pourtant, quel programme ! Une soirée Chopin ouverte sur les deux recueils d’Etudes – dans un ordre inhabituel ; d’abord l’Opus 25, puis l’Opus 10 !  - enchaînés presque d’un jet, puis la Sonate Funèbre, au final superbement halluciné, enfin un bouquet de bis délicieux, dont l’élégance et la classe montraient l’éclectisme du pianiste : l’exquis Un poco di Chopin, où avec une grâce mélancolique, Tchaïkovski fait résonner un écho du Polonais, puis l’Etude-Tableau n°5 de Rachmaninov, aux montées d’un romantisme somptueux, enfin une Alborada del gracioso jouée avec des doigts neufs, cristallins, alors que le jeune homme, on l’a su après, ruisselait de fièvre. On a gardé le souvenir d’une couleur spécifique, d’une  identité poétique, intériorisée sans maniérisme, d’un jeu puissant aux volumes contrôlés, bref une vraie personnalité.
 
Jacqueline Thuilleux
Salle Gaveau, le 10 janvier 2014.

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