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Maxime Pascal et Le Balcon au Festival de Saint-Denis – Mahler chez les Jivaros – Compte-rendu

De toutes les symphonies de Mahler la moins jouée et la moins populaire, la Septième, composée en 1905, est aussi la plus déconcertante. Ses audaces harmoniques, ses ruptures de ton et de propos, son noyau central fantomatique, étranger aux deux mouvements extrêmes, son finale grandiloquent, tout à la fois ironique et kitsch, ont divisé la postérité. Mais ce fil à retordre a toujours tenté les interprètes en quête de défi et d'avancée — d'Anton Webern, qui se fit l'ambassadeur de la Septième à Londres en 1935, jusqu'à Pierre Boulez, qui la dirigeait à la tête du LSO, à Paris, à la veille de son 80e anniversaire, en 2004.

On n'est pas étonné qu'à son tour l'intrépide Maxime Pascal, entraînant son ensemble Le Balcon, relève le gant au Festival de Saint-Denis, dont il est l'un des invités « mascotte » ! Ne comportant qu'une vingtaine de pupitres, Le Balcon a dû réduire drastiquement l'effectif pléthorique de la partition originelle — plus de cent pupitres. L'objectif étant, grâce à la projection sonore gérée par Florent Derex, d'éviter toute déperdition d'invention et d'énergie. D'éviter, également, que les contrastes de couleurs ou de puissance soient affadis, les angles arrondis, les reliefs arasés. De ce délicat travail de Jivaro, seul un compositeur, en vérité, peut s'acquitter, entrant, par sa propre expérience de créateur, dans les motivations secrètes de son confrère — en l'occurrence Gustav Mahler ...

Le Balcon (You-Jung Han au violon solo) © Ch. Fillieule

Ce n'est pas faire injure à Joël Lasry, corniste du Balcon en charge de l'opération, de constater que sa réduction sonne très en deçà de l'idéal escompté. Certes, sa gageure revenait à peindre une toile de Monet avec la palette de Mondrian : mission proche de l'impossible ! Mais, faute de cordes graves suffisantes (deux violoncelles, une seule contrebasse), l'accablante noirceur des deux premiers mouvements est perdue — la prédominance des éclats cuivrés dénaturent ces deux marches funèbres. S'il y a un instrument qui ne devait pas disparaître, non plus, de la tablature de la Septième, c'est bien la harpe (il y en a 2 dans l'original, abondamment sollicitées). Son absence, mal palliée par un piano de concert, ruine en particulier toute la poésie de la deuxième Nachtmusik, un délicat « andante amoroso » où, autour des vocalises élégiaques du violon solo (merveilleuse You-Jung Han), guitare et mandoline (elle aussi supprimée) créent une aura féerique de « sérénade » — Schoenberg y puisera l'idée de la sienne (Sérénade opus 24), et Pierre Boulez, un demi-siècle plus tard, dotera d'une guitare son Marteau sans maître. Webern, lui-même, considérait ce mouvement comme le parfait emblème de l'amour.
Dans le final hollywoodien de la Septième, avec ses timbales tapageuses, ses collages ronflants (prélude des Maîtres Chanteurs de Wagner), sa tonalité insolente d'ut majeur, la juvénile énergie de Maxime Pascal balaie toute réserve, incarnant la démesure mahlérienne avec une jubilation largement partagée.
 
Gilles Macassar

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Saint-Denis, Basilique, jeudi 15 juin 2017 - Festival de Saint-Denis, jusqu'au 29 juin / festival-saint-denis.com/fr/home/

Photo © Ch. Fillieule

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