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Marseille - Compte-rendu : le violoncelle dans tous ses états

Une fois n’est pas coutume, le soliste invité de l’Orchestre Philharmonique de Marseille fut largement mis à contribution avec trois ouvrages concertants de Haydn, Bloch et Richard Strauss. Sachant que la ville toute entière vibrait au rythme de la Fiesta des Suds, les organisateurs peuvent se féliciter d’avoir réussi à remplir la salle et attirer un grand nombre de jeunes gens. Rien d’étonnant toutefois lorsqu’on connaît le talent du charismatique violoncelliste Gautier Capuçon.

En raison d’une option esthétique discutable, le fameux Concerto en ut majeur de Haydn déçoit. Pour un morceau composé vers 1762-1765, et de ce fait tourné vers la période dite « classique », le choix d’une perspective résolument « baroque » en change le caractère même et réduit la liberté d’exécution. Son dépouillé et sec dans un Moderato initial sans grand relief tout comme l’Adagio, lisse et scolaire, où l’orchestre manque de corps. Davantage de mordant et de piquant dans l’Allegro molto connu pour ses passages de haute voltige où Capuçon brille par la justesse de ses aigus et la belle expressivité de ses phrasés.

Tout autre décor et véritable arsenal de musiciens dans Schelomo d’Ernest Bloch. Cette « Rhapsodie hébraïque » pour violoncelle et orchestre n’est autre qu’un portrait musical du roi Salomon, avec ses pensées intérieures et le tumulte du monde qui l’entoure. On trouve beaucoup de sensualité dans les interventions d’un violoncelle aux portamenti sûrs et à la projection ample. L’homogénéité d’ensemble et des enchaînements réussis aboutissent à une dualité orchestre-soliste cohérente. La gestuelle du chef Patrick Davin s’avère plus convaincante dans ce répertoire qui sort des sentiers battus.

Plus aucun espace disponible sur scène pour interpréter le Don Quichotte de Strauss, un poème symphonique à première vue complexe et difficile d’accès. Dix épisodes sur le mode de la variation où se mêlent fantaisie, burlesque et humour noir mais aussi gravité et tragique. Il faut attendre la quatrième variation pour enfin suivre le fil d’un discours décousu. Des sonorités étonnantes dans « le combat contre le troupeau de moutons » ou encore « la chevauchée dans les airs ». Incarnant le Chevalier à la triste figure, Gautier Capuçon épouse chaque tableau avec naturel et offre un final inspiré empreint de profondeur et d’intériorité.

Après de longues minutes d’ovation, il revient donner un bis, une brève Marche de Prokofiev adaptée de la dixième des douze pièces de son recueil pianistique Musique pour les enfants (1935).

Florence Michel

Opéra de Marseille, le 21 octobre 2006
 

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