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Marseille - Compte-rendu : Colombe de Damase

Avant d’être portée sur la scène lyrique en 1961 par Jean-Michel Damase (né en 1928), Colombe de Jean Anouilh remporta un vif succès lors de sa création au Théâtre de l’Atelier dix ans plus tôt, avec Danièle Delorme et Yves Robert. Proche du milieu littéraire alors en vogue, le compositeur s’empara de l’histoire de cette jeune épouse timide et sous l’emprise d’un mari coincé, qui va s’émanciper sur les planches au contact de sa belle-mère, une théâtreuse exubérante, et d’un amant volage, demi frère de son époux.

Située dans le Paris de la « Belle époque », la pièce de Anouilh mélange avec des bonheurs divers la comédie sentimentale, le vaudeville, l’étude de mœurs et la parodie. La musique de Damase ne cherche pas à s’affranchir de situations datées ou connotées, mais à trop vouloir coller au texte initial, prend le risque d’être classée dans la catégorie théâtre musical, plutôt que dans celle de l’opéra.

Auteur de cantates, de musiques de films et de ballets, Damase possède une écriture aisée et fluide, un style au charme certain qui allie légèreté et facilité, mais dont l’inspiration souffre à se renouveler. Habile mélodiste, il sait cependant caractériser les personnages en relevant leurs travers, parfois avec férocité, et manier l’humour jusqu’à la caricature.

Fidèle à ces titres oubliés qu’elle interpréta quand elle était soprano, Renée Auphan, directrice de l’Opéra de Marseille, - qui mit en scène Madame de… (à Genève) et L’Héritière (à Marseille), deux autres partitions de Damase - a confié la résurrection de Colombe à Robert Fortune. Egalement créateur des décors qui évoquent ostensiblement les toiles stylisées du peintre Jean-Denis Malclès, son travail est un hommage à l’univers de Jean Anouilh, à la fois aérien, coloré, comme esquissé. Couloirs, loges, coulisses, plateau, tout est théâtre, la vie se confondant à la scène et la réalité à la fiction.

Jacques Lacombe dirige avec délicatesse l’Orchestre de l’Opéra de Marseille et accompagne avec intelligence une distribution entièrement francophone qui fait honneur à une langue réputée difficile. Dans le rôle de la frêle Colombe, Anne-Catherine Gillet se métamorphose avec aplomb, sans craindre de mettre son couple en péril, assumant son nouveau métier d’actrice (elle était fleuriste !) et se dévergondant dans les bras d’un amant dilettante, Armand, le demi frère de Julien. La chanteuse, malgré un timbre monocorde et peu nuancé, est sérieuse, la comédienne se révèle convaincante surtout dans le conflit, où elle sait résister et s’imposer.

Parfait dans l’emploi du cocu, le baryton canadien Phillip Addis cisèle chaque détail d’une voix ronde et percutante, tandis que le ténor Sébastien Droy campe un Armand très stylé. Marie-Ange Todorovitch, remplaçante de Felicity Lott, compose avec grand talent la figure imposante de Mme Alexandra, sorte de monstre sacré sur le retour, à la fois cruel et émouvant, à jamais marqué par la vie.

Autour de ce quatuor gravite une multitude de seconds rôles typés, Marc Barrard (Poète chéri), Patrick Vilet (Desfournettes), Eric Huchet (Du Batras), Jacques Lemaire (La Surette) et Nicole Fournier (Mme Georges), tous épatants.

François Lesueur

Opéra de Marseille, 2 février 2007

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