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Madrigaux de Monteverdi par Les Arts Florissants -Mantoue glorifié - Compte-rendu

monteverdi arts flo 2014

Pour annoncer solennellement son enregistrement des madrigaux de Monteverdi de la période de Mantoue (anthologie des Livres IV, V et VI), Les Arts Florissants réservent la primeur d’un concert pour 450 privilégiés réunis dans la somptueuse Scuola di San Rocco de Venise. Les fresques du Tintoret, du Titien ou de Tiepolo (excusez du peu !) forment ainsi la plus belle parure visuelle d’une musique qui les égale en richesse.
 

Paul Agnew © DR
 
C’est Paul Agnew qui est le maître de cérémonie de ce concert, comme le maître d’œuvre du projet d’intégrale des cent soixante-et-un madrigaux appelé à se poursuivre par une série de concerts à travers l’Europe et deux autres coffrets discographiques anthologiques (périodes de Crémone et de Venise) au long des deux prochaines années. Pourquoi alors avoir choisi Venise pour présenter des pièces écrites à Mantoue ? Agnew s’en explique : « C’est à Venise que Monteverdi a connu la consécration. Et ces madrigaux écrits à Mantoue y ont été, comme les autres, publiés et exécutés. Et vraisemblablement dans l’église des Frari, dont dépend la Scuola où nous jouons et qui la jouxte. Église où, au demeurant, est enterré Monteverdi. C’est donc une double référence que ce lieu. »
 
De fait, il semble bien que les mânes de Monteverdi flottent sur le concert. À en juger par le recueillement et l’élévation qui portent interprètes et public. Sept chanteurs et quatre instrumentistes, diversement répartis suivant les pièces, se réunissent pour une formation à la fois chambriste et résonnante, comme le réclame l’esthétique madrigalesque. Citons les tous, tant la ferveur qu’ils dégagent ne saurait se partager : Miriam Allan, Maud Gnidzaz, Hannah Morrison, vibrantes et quasi opératiques sopranos ; Lucile Richardot, contralto d’un juste appoint ; Sean Clayton et… Paul Agnew (pour retrouver ses vertus de chanteur), ténors aux tessitures complémentaires, l’une élégiaque et l’autre soutenue ; Cyril Costanzo, basse aux assises sûres. Et Massimo Moscardo, Jonathan Rubin, Florian Carré et Nanja Breedijk, deux théorbes, un clavecin et une harpe presque dansants. Dans un fondu d’ensemble unique, une plongée dans le temps et l’espace !
 
Le concert offre le Livre VI des madrigaux, ouvert par un Lamento d’Arianna intense comme rarement. Célébration des 400 ans de la publication de ce Livre, en 1614, il se place dans le cadre du « Festival Monteverdi Vivaldi » qui essaime dans différents lieux éminemment historiques de la Cité des Doges ; festival lui-même sous l’égide du Venetian Centre for Baroque Music (bonjour l’internationalisation !) et de son entreprenant directeur artistique Olivier Lexa. Il ne faudra surtout pas manquer le luxueux coffret « Monteverdi Madrigali Vol. 2  Mantova », produit par les toutes fraîches Éditions Les Arts Florissants, agrémenté qui plus est d’une nouvelle de fiction inédite judicieusement en miroir, due à la plume sensible de l’écrivain René de Ceccatty : La Sibylle et la Fresque des illusions (sortie officielle le 7 octobre).
 
Pierre-René Serna
 
Venise, Scuola di San Rocco, 20 septembre 2014. 
 
Photo © Laure Jacquemin

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