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Macbeth de Verdi à l’Opéra de Lyon – Dans le gris - compte rendu

On connaît déjà cette production, signée du Néerlandais Ivo Van Hove, et qui remonte à 2012. Elle n’est pas sans intérêt, et la transposition d’un drame de pouvoir dans les sphères qui le détiennent aujourd’hui, celles de la finance et de l’informatique, peut se justifier, les sorcières n’existant plus guère et les rois exhibant des couronnes moins spectaculaires. D’autant qu’elle a été ici donnée le premier jour des « quatre sorcières », cet épisode fatal de la vie boursière ! On se souvient aussi de Don Giovanni de l’Opéra de Paris, que Mikael Hanecke avait situé dans les tours de La Défense, et qui en tirait une densité glacée tout à fait impressionnante.
 
 Le problème en fait, est ailleurs : Macbeth, dont on peut dire, sans médire de Verdi, que ce n’est pas son chef-d’œuvre, tant la mise en place psychologique des deux héros est esquissée, l’œuvre s’ouvrant quasiment sur le meurtre et non sur la montée du désir de pouvoir, est une œuvre féroce, noire, aussi violente qu’il est possible, mais non grise. Certes, on peut se passer de la forêt en marche, des rougeoiements de la lande, des brouillards d’où émergent les sorcières, mais cette sinistre nature, même esquissée visuellement,  étoffe les affres des héros et les intègre à une sorte de mal cosmique.
© Stofleth

 Ici, Macbeth est gris : murs gris, ordinateurs gris, jeunes femmes en talons secs et tailleurs de pensionnat nouvelle vague, chignons stricts, bref, en guise de sorcières, un camp de décideuses : intelligent, certes, mais peu émouvant. Alors que Macbeth doit remuer les entrailles, et semer l’épouvante, au lieu de solliciter nos cellules grises. Heureusement, l’interprétation musicale, sans être exceptionnelle, est de qualité suffisante, avec un Macbeth peu effrayant (il est vrai qu’il n’est qu’un faible), l’Azéri Elchin Azizov, mais de belle qualité vocale : il affronte le rôle sans faille, et avec une sorte de retenue prenante. Sa lady, elle aussi, Susanna Branchini, témoigne d’une présence attachante mais manque de violence, malgré sa belle silhouette et son émission solide. Excellent Banquo, en revanche de Roberto Scandiuzzi, tandis que Macduff, Arseny Yakovlev, a connu le soir de la première quelques faiblesses qui n’étaient sûrement que passagères.

Daniele Rustioni © Blandine Soulage Rocca

Avec donc ces réserves dues à une vision trop timide et un peu terne, on a tout de même apprécié la flamboyance de la musique de Verdi, grâce à la baguette vertigineuse, à l’élan irrésistible de Daniele Rustioni, la nouvelle pépite dénichée par l’Opéra de Lyon et qui va sûrement faire beaucoup pour le prestige de cette belle maison. L’Orchestre et les Chœurs (préparés par Marco Ozbic) l’on suivi avec passion, et rigueur.
 
Jacqueline Thuilleux

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Verdi : Macbeth -  Lyon, Opéra, le 16 mars 2018 ; prochaines représentations les 21, 25, 27, 31 mars / www.opera-lyon.com/fr/20172018/opera/macbeth
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