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Ludvic Tézier en récital au Palais Garnier – Sur un train de sénateur – Compte-rendu

Si Ludovic Tézier (photo) se fait rare en récital, c'est sans doute parce que cette forme convient peu à sa nature et qu'aujourd'hui la scène et les grands rôles qui la peuplent sont devenus plus inspirants. Rien d'indigne lors de ce dernier rendez-vous préparé avec attention, mais une insatisfaction, le sentiment étrange que les choses ne prennent pas, que la frontière entre le soliste et le public restera imperméable. Est-ce le thème choisi (le voyage sous toutes ses formes), la tonalité générale (sombre), les compositeurs (les plus grands parmi les allemands et les français), ou tout simplement le tempo qui ont empêché la soirée de décoller ? Difficile à dire, car le baryton était très en voix, apparemment serein et satisfait du résultat...

Débutée avec la célèbre ode schubertienne « An die Musik » magnifiquement posée, claire de ligne, pure et sobre d'élocution, la première partie germanique a paru lestée, le chanteur et son accompagnatrice Thuy Anh Vuong ne parvenant pas à se départir d'un ton émolliente et à trouver la dynamique propre à chaque morceau, en particulier dans les deux extraits du Dichterliebe de Schumann, trop pesants et affectés. Pour conclure avec plus d'intensité, le duo avait heureusement choisi de se mesurer au « Roi des Aulnes » sommet schubertien, décortiqué avec minutie par un Tézier halluciné, rivé sur la musique, articulant le texte avec une précision terrible tout en donnant à chaque personnage du poème de Goethe une voix spécifique ; rarement les derniers mots « In seinen Armen, das Kind war tod », retenus, froids, distanciés, n'auront parus si désespérés.

Place était donnée ensuite au répertoire français, avec d’abord les Chansons de Don Quichotte, adroitement exécutées mais souffrant d'un ton solennel et d'un manque de naturel, défaut que l'on retrouvait dans L'horizon chimérique de Fauré, nuancé, intériorisé, certes, mais lourdement accompagné par une pianiste qui n’avait de cesse d’étirer le tempo au détriment de la pulsation interne. Entre Ibert et Fauré, le chanteur avait livré une admirable « Invitation au voyage » élégamment déclamée, suivie par une délicate « Vie antérieure », deux Duparc faits pour cette voix pleine, solide et charnue.

Caché derrière son embonpoint, ses lunettes et son pupitre, notre grand baryton incapable d’entrer vraiment en communication avec le public, revenait tout de même avec un Fauré (« Le secret ») beau mais peu enclin à faire délirer les foules, avant de réchauffer la salle avec Strauss (« Zueignung ») et de convoquer enfin Wagner et Tannhäuser pour une Romance à l'étoile chantée avec une belle assurance, en grand diseur qu'il est, mais non en récitaliste chevronné.

François Lesueur

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Paris, Palais Garnier, 15 janvier 2017 

Photo © Elie Ruderman

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