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L’Orchestre français des Jeunes Baroque aux Bouffes du Nord – Une prouesse – Compte-rendu

À se demander comment fait Leonardo García Alarcón ! Ce chef baroqueux doublé d’un claveciniste accumule les concerts et apparitions à travers festivals renommés et salles prestigieuses de par le monde ; tout en multipliant les responsabilités : à celle de son ensemble Capella Mediterranea, qu’il a fondé, il ajoute la direction du Chœur de chambre de Namur, du Millenium Orchestra (de Namur, toujours), et, entre des cours dispensés au Conservatoire de Genève et une résidence au Centre Culturel de Rencontre d’Ambronay, trouve le moyen et le temps de prendre en main l’Orchestre français des Jeunes Baroque. Tout cela, sans aucun préjudice de la qualité régulière de ses prestations et des formations qu’il dirige. Et qui plus est, sans céder à la facilité des sentiers rebattus, mais poursuivant la recherche et la découverte de répertoires inusités. (1)
 
On était donc quelque peu curieux de constater son travail en compagnie de l’Orchestre français des Jeunes Baroque. Aux Bouffes du Nord, disons-le d’emblée, le résultat dépasse toute espérance. Ce concert concrétise et clôt une session commencée le 30 octobre, par des répétitions à Aix-en-Provence, ponctuées de trois concerts, à Aix, Soissons et enfin Paris. Le programme entend illustrer les musiques ayant cours à la cour de Louis XIV. Quoi de plus normal pour un ensemble sur instruments anciens, français par destination et vocation !
 
C’est ainsi que prennent place des arias et extraits de Lully, Cavalli, Destouches, Rossi, mais aussi Monteverdi et Antonia Bembo (vers 1640-1720)… Aboutissement d’un travail de seulement douze jours, dont on ne peut qu’être frappé des fruits recueillis. Rondeur des vents, soyeux des cordes, cohésion, équilibre, dynamique sonore, énergie d’ensemble et subtilité de chaque pupitre : les trente-et-un jeunes instrumentistes égalent en maturité les meilleures phalanges baroques. Une prouesse ! Qui doit beaucoup, n’en doutons pas, à la direction impérieuse de García Alarcón, à son incomparable savoir-faire et savoir-transmettre (ici, éminemment pédagogique). Aidé dans sa tâche de formateur par le violoniste Johannes Pramsohler, le violoncelliste et continuiste Atsushi Sakaï, et le hautboïste Patrick Beaugiraud. L’avenir des baroqueux en France semble bien assuré !
 
Andreea Soare et Eva Zaïcik apportent l’appoint vocal, avec une transmission adéquatement en phase, entre délicatesses et élans ; quand bien même la première bénéficie d’un léger vibrato, moins conforme au chant théoriquement baroque. Des textes écrits par Jean-François Lattarico et prêtés au Roi-Soleil, font le lien des passages musicaux et les placent dans leur contexte. Découpage a priori bien venu, si ce n’est que ces textes sont lus par le comédien François Marthouret d’un ton nonchalant et monocorde ; amplifié d’un micro, superfétatoire au sein de cette acoustique idéale. Seul réel accroc dans le déroulement éblouissant de la soirée.
 
Pierre-René Serna
 
 Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 9 novembre 2015
 
(1)On attend impatiemment à cet égard La guerra de los gigantes couplé avec El imposible mayor en amor le vence Amor, deux ouvrages des débuts du XVIIIe siècle de Sebastián Durón ; restitués par García Alarcón à la tête de sa Capella Mediterranea, avec notamment Vivica Genaux, dans une mise en scène de Gustavo Tambascio (au Teatro de la Zarzuela de Madrid, du 17 au 23 mars). Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Photo © Jean-Baptiste Millot

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