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Les Paris de la danse au Théâtre de Paris – Festin chorégraphique – Compte-rendu

Grâce aux portes que lui ouvrent Richard Caillat et Stéphane Hillel, directeurs du Théâtre de Paris, le Festival des Paris de la Danse prend ses marques, pour sa deuxième saison : masterclass, prépondérance du grand classique, et regards sur d’autres horizons, notamment israéliens, avec lesquels les Productions Sarfati ont des contacts privilégiés, tel est le menu du mois. L’an passé la Kibbutz Contemporay Dance Company et son charismatique directeur Rami Beer avaient beaucoup touché un public sensibilisé à la danse contemporaine née au Kibbutz et aujourd’hui porteuse de messages d’ouverture au monde : elle revient cette année avec Asylum (photo), qui parlera de la quête d’identité de tant de foules errantes à ce jour, un thème évidemment brûlant lorsqu’il vient d’Israël.
 
Auparavant, et en brillantissime meneur de jeu, c’est Laurent Hilaire qui a ouvert les festivités, pour une soirée d’une finesse absolue, dont tous sont sortis comme allégés, tant le discours du maître de jeu et le travail des étoiles invitées mariaient la plus haute conception de l’art classique : masterclass d’un soir, donc, et un Laurent Hilaire dont la rayonnante maturité  combine désormais en lui le fruit de sa riche expérience d’étoile hors normes à l’Opéra d’abord, puis de maître de ballet de 2005 à 2014, ce qui lui a permis de porter un autre regard sur le répertoire quand il faut l’adapter aux interprètes, enfin de directeur de compagnie puisque, depuis janvier 2017, il se trouve à la tête d’une solide troupe, celle du théâtre Stanislavsky à Moscou.
 

Laurent Hilaire © Batyr Annardudyev
 
 Dans cette belle salle de 1200 places, où tournent trois chefs, il ne convie pas d’étoiles invitées pour mieux cimenter sa troupe, et  met en valeur le répertoire russe mais aussi plus contemporain, comme Ekmann ou Forsythe, tout en réservant une soirée par an pour permettre aux talents des jeunes chorégraphes-maison de s’exprimer. Parmi ses danseurs, il a choisi deux étoiles aux talents déjà confirmés, Oxana Kardash et Ivan Mikhalev, dont il s’est plus à moduler l’interprétation dans quelques extraits du Lac des Cygnes de Vladimir Bourmeister, emblématique du répertoire russe, et dont la qualité stylistique et chorégraphique est incomparable, même si l’Opéra de Paris, après l’avoir gardé au répertoire de longues années, lui a ensuite préféré celui de Noureev,  à la fois plus académique et psychanalytique.
 
Merveille de voir le grand danseur, dont les bras sont restés d’une incroyable expressivité, veiller au sens des mouvements, les faire vivre d’un geste de la main, d’une intuition, d’un regard, d’une simple inclinaison de tête, habiter une distance, que ce soit pour le rôle féminin ou le masculin, alors que les deux jeunes gens n’ont plus rien à démontrer techniquement car ils sont parfaits. Le ballet ainsi révélé se met à vivre, plutôt qu’à survivre, ce qui est trop souvent le cas. On pourra juger de l’excellence d’une compagnie ainsi affinée par un directeur éclairé et ultra sensible, lorsqu’ils présenteront Giselle au Festival de Danse de Cannes le 5 décembre prochain.(1)
 

Les Italiens de Paris © DR
 
Autres bijoux à découvrir, les soirées animées par Alessio Carbone, rayonnant et généreux premier danseur de l’Opéra de Paris, où il a réuni en 2016 quelques- uns de ses camarades d’origine italienne comme lui, sous le vocable Les Italiens de Paris : un petit groupe pétillant, autour de l’étoile Valentine Colasante et de la belle Letizia Galloni, ou des très prometteurs Paul Marque et Simone Valastro. Il marie ces joyeuses recrues avec quelques beaux éléments choisis, eux, outre-Atlantique dans l’American Ballet par Daniel Ulbricht, directeur du petit groupe Stars of American Ballet et grand ami de Carbone. Là, grand et beau classique, en pas de deux alternés et un final commun : Perrot, Fokine, Robbins, Balanchine, Martinez aussi et quelques autres chorégraphes majeurs. Une magnifique charrette !
 
Reste, pour créer un événement jouissif et inhabituel, la soirée assurée par le tzigane Pétia Iourtchenko, personnalité affolée d’amour pour l’humanité, qu’il clame tous azimuts avec un discours et une danse échevelées, ce qui ne manquera pas de toucher un certain public, d’autant qu’un dîner sur le mode russe prolongera ces déchaînements. Festin donc, à déguster selon son appétit, que ces Paris de la danse, qui les tiennent bien, et avec des prix de place attractifs !
 
Jacqueline Thuilleux

(1) www.festivaldedanse-cannes.com/

"Les Paris de la danse" - Théâtre de Paris, 3 juin 2019. De New York à Paris, les 13, 14, 15 et 16 juin, Carte blanche à Petia Iourtchenko, le 17 juin, Asylum par la Kibbutz contemporary Dance Company,  les 21, 22 et 23 juin 2019. www.theatredeparis.com

Photo © Udi Hilman

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