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Les 40 ans de l’Ensemble intercontemporain à la Cité de la Musique – A livres ouverts - Compte-rendu

L’Ensemble intercontemporain célèbre ses quarante ans d’existence avec trois grands concerts anniversaires. Se succèdent ainsi un Hommage à Pierre Boulez (1), le fondateur, une soirée de créations (2), après un concert d’ouverture intitulé « À livres ouverts ». Ce dernier fait figurer, devant une Salle de concert comble à la Cité de la musique, un panorama marathon, d’une durée de quatre heures trente, puisé à ce qui compte et à compté dans la musique de ces années qui ont suivi l’après-guerre et l’émergence conquérante d’une nouvelle esthétique sous l’égide de Boulez.
 
Alternent ainsi vingt-quatre pièces, sous forme de brefs extraits, divisées en quatre parties, Livres I à IV, par décennie. Comme autant de livres feuilletés, sur les pages des noms importants qui ont marqué l’époque. L’occasion unique d’un bilan de quarante ans de créations. Mais avouons que l’éblouissement initial fait place peu à peu à la circonspection.
 
À la suite du choix des premières œuvres, on se prend à penser : quelles belles pages ! propres à ravir les plus rétifs à la musique dite contemporaine. Ainsi, parmi les extraits proposé, du magnifique et virtuose Tema (1982) de Franco Donatoni, pour douze instruments ; de Mémoriales (1985), de Boulez, premier jet, lumineux, du futur Explosante fixe ; du Concerto de chambre (1970) de Ligeti ; de Modulations (1976) d’un Gérard Grisey coloré; ou de Pentalogon Quartet d’Ivan Fedele (1987)… Puis l’impression s’émousse, devant des pièces d’un Harrison Birtwistle, Marc-André Dalbavie, Elliott Carter, Wolfgang Rihm ou Philippe Manoury, moins immédiatement inspirées. À croire que le temps n’a pas encore fait son office… On note cependant Entrelacs (1998), pour six instruments, de Yan Maresz, ou Octet (2008), pour instruments à vent, de Peter Eötvös, qui recèlent bien des attraits.
 
On note aussi que le choix des pages s’est fait en fonction des critères qui ont longtemps gouverné la programmation de l’ensemble instrumental fondé par Boulez, qui exclut, dans une forme de sectarisme il faut bien dire, certaines esthétiques et certains compositeurs. C’est ainsi que Philippe Hersant, John Adams ou Michaël Levinas (et sans même évoquer le trublion Karol Beffa), compositeurs pour le moins reconnus de cette même époque, brillent par leur absence. Peut-être apparaîtront-ils lors des cinquante ans de l’Intercontemporain…
 
Pour ce concert en forme de manifeste, les vingt-huit musiciens attitrés de la formation, et son chef titulaire, le fougueux Matthias Pintscher (photo), ne sont pas en manque de verve et d’acuité, face à des répartitions instrumentales infiniment variées. L’Intercontemporain à son meilleur ! Afin de rythmer la longue soirée, mais aussi les changements à répétition du plateau (un tic de la musique contemporaine, mais ici en situation et à la charge des régisseurs efficaces qui ont tant œuvré en compagnie de l’orchestre), des projections sur écran donnent le fil et le contexte de différents moments qui ont ponctué la vie de l’Ensemble. Et le temps s’écoule alors indiciblement, entre émerveillements et curiosités, sans fatigue. Un anniversaire célébré avec un luxe et une abondance, festifs et de circonstance.
 
Pierre-René Serna

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Paris, Cité de la musique, Salle des concerts, 17 mars 2017
 
Les 40 ans de l'Ensemnle intercontemporain : eic40.com/
 
1) Voir le compte-rendu :
http://www.concertclassic.com/article/hommage-pierre-boulez-la-philharmonie-de-paris-le-juste-echo-compte-rendu
 
2) Le 30 mars 2017, Salle des concerts de la Cité de la Musique ; avec sept créations mondiales, commandes de l’Ensemble intercontemporain à sept compositeurs en charge d’illustrer musicalement chacun des sept jours de la Genèse biblique.

Photo Matthias Pintscher © matthiaspintscher.com

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