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​Leo Nucci et Patrizia Ciofi en duo à l’Opéra Grand Avignon – Grandissime – Compte-rendu

Ils pourraient être père et fille à la ville, tant ils semblent s’estimer et s’apprécier, mais ils ne sont que collègues, unis par la scène et par un irrépressible amour du chant. Paris, Orange, Madrid ont applaudi leur irrésistible duo et Raymond Duffaut mourrait d’envie de les avoir dans son théâtre avignonnais : c’est chose faite.
 
Le programme n’a guère changé avec les années, mais si Traviata et Rigoletto n’ont plus de secrets pour eux, ils constituent une inépuisable source d’inspiration. A 75 ans Leo Nucci étonne encore et toujours par le style, l’autorité et la technique affûtée qu’il dispense, même si la voix met plus de temps qu’autrefois à se chauffer dans les premières mesures du duo Germont/Violetta. D’abord cassant, intraitable face à cette demi-mondaine qu’il veut éloigner de son fils, il se laisse bientôt attendrir par la sincérité de cette femme amoureuse et déterminée à laquelle la soprano apporte des accents d’une beauté infinie. Son chant d’abord enflammé, puis mouillé de larmes est à l’unisson de celui de Nucci, authentique et de haute école, direct et sans filet, touchant droit au cœur le public saisi par un art aussi expressif et supérieur.
 
 

Leo Nucci, Luciano Acocella, Patrizia Ciofi © DR

Après une courte pause, le baryton revenait seul pour interpréter « Di provenza il mar il suol » conduit sur un souffle impressionnant, une diction parfaite et une projection rares, suivi par la cabalette « No, non udrai rimproveri » brillamment négociée. Patrizia Ciofi quant à elle osait une fois encore la grande scène du 1er acte, « E strano…sempre libera », abordée avec une remarquable énergie, un indiscutable sens de la narration et une renversante maîtrise des sauts d’octaves, conclue par un inattendu mi bémol.
 
La seconde partie était consacrée au Rigoletto de Verdi, opéra favori de Nucci, qu’ils ont interprété ensemble à Orange en 2011 et à Salerno en 2013. Sans rival dans cette partition, même si l’usure de la voix est désormais audible, Leo Nucci crève toujours l’écran, trouvant de déchirants accents pour rendre la détresse et l’humanité du célèbre bouffon plus sensibles. « Pari siamo » était suivi par le duo Rigoletto/Gilda où l’on retrouvait Ciofi gracieuse et fragile auprès de ce père craintif et cachotier, avant que celle-ci n’exécute un « Caro nome » aérien, d’une douceur et d’une pureté de ligne magnifiques, rehaussé par un aigu admirablement présent et suprêmement flottant.
 
Pour conclure ce concert en beauté, le duo se reformait pour se lancer dans le fameux « Si vendetta », morceau de bravoure où le baryton donnait toute la puissance de son instrument, rejoint par une Ciofi survoltée et toujours aussi musicale, que le public redemandait et obtenait en bis. Seule réserve, la prestation des membres de l’Orchestre régional Avignon-Provence pourtant dirigés par Luciano Acocella avec lequel ils sont habitués à collaborer, bien modeste dans les deux ouvertures (Nabucco et Luisa Miller) données en complément de programme.
 
François Lesueur

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Avignon, Opéra, 22 janvier 2017

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