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L’Ensemble Pulcinella fête ses 10 ans - Joyeuses figures libres - Compte- rendu

Il y avait de tout et beaucoup dans cette vibrante débauche de talents, partant un peu en tous sens, qu’Ophélie Gaillard (photo) a réunis pour fêter son aventure avec l’Ensemble Pulcinella, dont elle est l’âme et l’archet directeur, dans une ambiance d’une irrésistible bonne humeur. On a beaucoup apprécié la liberté de mouvement des musiciens sur la scène, leur nombre changeant suivant les œuvres enchaînées, allant de l’opéra haendélien aux textes lus par un comédien, Charles Gonzalez, notamment de Casanova, les galipettes du hip- hop portées par le corps élastique d’Ibrahim Sissoko, enroulé autour de la silhouette d’Ophélie Gaillard, affairée à une Suite de Bach. Un instant de recueillement s’y est glissé en raison de l’actualité tragique, vécue autour du Concerto pour violoncelle G480 de Boccherini, dans lequel le public s’est immergé, le faisant suivre d’un silence riche de ce que la musique venait d’apporter.
 
Le tout en une sorte de vrac au charme contagieux, tirant sa force de la personnalité hors normes d’Ophélie Gaillard: on sait l’énergie, l’engagement envers la jeunesse, la vigueur combattive de cette virtuose du violoncelle baroque, et surtout son caractère atypique, qui lui fait tendre des passerelles entre une multitude de genres. Crinière en bataille, l’archet brandi comme un signe de ralliement, qu’elle parle, le plus simplement du monde d’ailleurs, ou électrise ses compagnons, elle est un fer de lance peu banal, et l’on se dit que les jumeaux prêts à naître, blottis derrière le ventre de son violoncelle, reçoivent des ondes plus qu’énergisantes.
 
 On a donc savouré, entre des pièces de C.P.E. Bach, le Bach de Berlin, les Symphonies Wq 182 et 178, dont on a moyennement goûté le style un peu fade, le merveilleux Boccherini du Concerto G 480,  l’élégance rutilante de Vivaldi, dans sa Sonate n°5, et de somptueux extraits haendéliens du Trionfo del Tempo et del Disinganno, d’Alcina, et autres pièces distillées avec une virtuosité délicate par la délicieuse Raquel Camarinha ( parée d’une robe de Franck Sorbier) et l’excellent ténor Emiliano Gonzalez Toro. On a moins aimé le style forcé de la contralto Lucile Richardot, et celui, incertain, de Marc Mauillon, ce dernier pour la Cantate Apollo e Dafne.
 
Gaillard, on le sait, travaille volontiers avec Sissoko, vedette de la danse contemporaine après avoir été star du hip hop : leur duo tenait ici du spectacle de tréteaux, étrange et disloqué, mêlant bizarrement la rigoureuse sobriété de Bach et  la souplesse de pantin de l’immense corps musculeux du danseur. Quant aux musiciens de l’ensemble, ils ont tout attaqué d’un même élan enthousiaste, aiguisé par les sonorités un rien râpeuses de leurs instruments baroques, parmi lesquels retentit comme une voix apaisante le merveilleux hautbois de Jean-Marc Philippe. Longue vie !
 
Jacqueline Thuilleux

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Paris, Salle Gaveau, 27 novembre 2015

Photo © CDoutre

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