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L’Ensemble Masques au festival Sinfonia – Une énergie inspirée – Compte-rendu

De Correspondances aux Surprises, de La Tempête au Taylor Consort ou aux Kapsber’girls, les jeunes ensembles baroques auront occupé une place de choix au cours de Sinfonia 2018. L’importance que David Théodorides, directeur artistique, accorde à ce rôle de tremplin pour les talents de la nouvelle génération explique en bonne partie la dynamique qui porte la manifestation périgourdine depuis quelques années.

Masques (photo) figurait aussi – pour la première fois – parmi les invités de Sinfonia et cette formation, fondée et menée par le claveciniste Olivier Fortin, a prouvé une fois de plus qu’elle se situe dans le haut du panier et dame aisément le pion à des ensembles plus médiatisés. Tout en évoluant dans un vaste répertoire, Masques manifeste un penchant affirmé pour la musique germanique (de magnifiques albums Rosenmüller (Atma), Schmelzer (Alpha) et Telemann (Alpha) en témoignent). Autant dire qu’Olivier Fortin et des troupes sont dans leur jardin avec le programme Bach (les Suites nos 1 à 3 et l’Ouverture en sol mineur de Wilhelm Friedemann, longtemps attribuée à Johann Sebastian sous le numéro de BWV 1070) qu’ils ont préparé pour la soirée à l’Abbaye de Chancelade.

bach suite n° 1

© Sinfonia

La Suite n° 1 en ut majeur BWV 1066 ouvre la fête avec clarté et vitalité maîtrisée, avec une saveur aussi qui doit beaucoup à la richesse des hautbois de Jasu Moisio et Ledewei de Sterck. Le choix d’une exécution en petit effectif met chaque instrumentiste à nu et ne souligne que mieux un niveau technique et un fini admirables, du violon lumineux de Sophie Gent à la contrebasse généreuse et un brin gouailleuse de Benoit Vanden Bemden. Tous se mettent au service d’une approche pleine de style et d’élégance – jamais compassée –  d’une partition très marquée par la France.
Pour cordes seules, l’Ouverture en sol mineur de W.F. Bach souligne l’exemplaire sûreté d’intonation et la souplesse de phrasé des archets de Masques. De la tendresse rêveuse du Larghetto-un poco allegro initial à l’esprit du Capriccio conclusif, en passant par le délicieux Torneo entre autres, la souplesse et le sens de la nuance des exécutants forcent l’admiration.

Après la pause, on n’est pas moins séduit par l’énergie inspirée avec laquelle Masques aborde la 3ème Suite en ré majeur BWV 1068. Effectif réduit certes, mais la plénitude sonore qui se dégage de l’ensemble en dit long sur l’écoute mutuelle et la complicité des protagonistes. Allante et néanmoins toujours lyrique, la fameuse Aria montre une poésie, un naturel et un sens de la respiration qui pourraient résumer le concert tout entier.
Comme il l’avait fait au Festival Terpsichore, à Paris, en novembre 2015(1), Olivier Fortin a opté pour la version avec hautbois (en la mineur) de la la 2ème Suite BWV 1067, que l’on a coutume d’entendre à la flûte (et en si mineur). Vrai rayon de soleil en fin de soirée que la présence de Jasu Moisio dans un ouvrage qu’il emporte et fait vibrer avec autant d’engagement que d’imagination sonore.
Afin de rassembler tous les musiciens présents lors du bis, le Passepied final de la Suite n° 1 tient lieu d’heureuse conclusion.

Olivier Fortin © Jean-Baptiste Millot

Masque raffole du répertoire germanique, mais gardons-nous bien de l’y cantonner. Le répertoire français lui réussit tout autant ; la preuve en sera bientôt offerte lors du 5e Festival Terpsichore (2) avec les Concerts Royaux de Couperin (le 13 octobre). On n’oublie pas non plus le poète claveciniste qu’est Olivier Fortin : il sera à l’œuvre, en duo avec Skip Sempé (directeur artistique de Terpsichore), dans un programme Louis et François Couperin (16 sept.) De ce dernier, il signe un très belle anthologie, tout juste parue (3), enregistrée sur le « vrai faux » clavecin de Nicolas Lefebvre 1755 terminé ... en 1984 par feu Martin Skowroneck.  

Quant à Sinfonia, le rendez-vous est fixé à la fin août 2019 pour la 29e édition, certes, mais sa saison commence bientôt. La série de concerts, répartis entre l’automne et la fin du printemps, que l’on connaissait jusqu’à présent sous l’appellation « Les Grands Interprètes » devient « Sinfonia, la Saison » : durant les mois qui viennent, Périgueux recevra (à l’amphithéâtre du Centre Départemental de la Communication) Alexandre Tharaud (13/10), François-Frédéric Guy (14/12), Jean-Philippe Collard (18/01), Gary Hoffman et Claire Désert (15/02), Michel Dalberto (14/03), le Quatuor Danel (12/04) et, enfin, le Trio Grimal-Gastinel-Cassard (23/05). Belle affiche et autant d’arguments pour aller goûter aux charmes de Périgueux et de la Dordogne hors de la période estivale.

Alain Cochard
Festival Sinfonia, Chancelade, Abbaye, 30 août 2018

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www.concertclassic.com/article/lensemble-masques-au-festival-terpsichore-lumineux-compte-rendu
(2) Festival Terpsichore, du 15 septembre au 14 octobre 2018 : www.terpsichoreparis.com/
(3) « L’art de toucher le clavecin », Alpha Classics 408

Photo © David Samyn

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