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Le Quatuor Yako aux Rencontres musicales en Seine et Marne / ProQuartet – Quand Offenbach s’invite chez les Viennois – Compte-rendu

On ne dira jamais assez combien l’association ProQuartet (créée en 1987 par Georges Zeisel et dirigée depuis 2015 par Pierre Korzilius) a fait pour le développement de la musique de chambre, et en premier lieu pour le quatuor à cordes. Une action qui s’oriente tant en direction du public que des jeunes interprètes, ceux-ci bénéficiant des précieux conseils de grands aînés, au cours de masterclasses et académies, et d’occasions de se produire en concert, en particulier durant le temps fort que marquent chaque printemps depuis deux décennies les Rencontres musicales en Seine et Marne. Un système de résidence permet en outre de renforcer les liens de ProQuartet avec certains ensembles (une douzaine en tout), tel le Quatuor Yako, résident ProQuartet depuis 2016, que l’on a retrouvé dans le bucolique cadre de la chapelle de Lourps à Longueville.

La chapelle de Lourps © Eliza Despres

Yako ? C’est un berger australien au tempérament fougueux qui a donné son nom à l’ensemble formé par des archets issus du CNSMD de Lyon(1) ; Ludovic Thilly, Pierre Maestra, Vincent Verhoeven, Alban Lebrun. De fougue, de bel appétit musical, les musiciens n’en ont pas manqué au cours d’un programme varié mêlant deux très classiques compositeurs viennois à une pièce contemporaine et, plus inattendu dans le contexte du quatuor, à Jacques Offenbach.

Haydn ouvre la marche avec le Quatuor op. 74 n° 3 « Le Cavalier », œuvre ramassée dont les Yako offre une interprétation intense et directe, à son sommet dans un Largo assai d’une plénitude recueillie. Que d’imagination sonore savoure-t-on dans le Menuetto, complexe et parcouru d’ombres, avant que ne débute la chevauchée d’un Allegro con brio dont les musiciens tiennent fermement les rênes.

En contraste total avec ce qui a précédé – et ce qui suivra ! –, l’Ode au nymphéas (2018) de la compositrice chinoise Xu Yi, ancienne élève de Gérard Grisey, permet au quatuor de reprendre une partition dont il est dédicataire (il l’a créée l’an dernier durant la Nuit du Quatuor au Musée de l’Orangerie). Un poème du philosophe Zhou Dunyi inspire cette brève pièce nourrie des tons de la langue chinoise et emplie de pizzicati, frottements, harmoniques et résonances interrompues du plat de la main. Une modernité d’écriture que le jeune quatuor maîtrise avec autant de naturel que de relief.
 

© Jacques Blot

C’est l’année Offenbach et les Yako en profitent pour inviter cet auteur, avec d’abord un bel arrangement de son Opus 1, le Divertimento sur un chant suisse, initialement conçu pour violoncelle solo avec accompagnement de quatuor. Le compositeur n’avait que douze ans lorsqu’il livra cette partition mais la bonne humeur et le lyrisme étaient déjà là. La musique est un plaisir et l’adaptation pour quatuor que signent les Yako se déguste sans réserve ! Même si l’on sent les interprètes un rien étonnés de faire résonner des thèmes de la Belle Hélène, la Grande Duchesse, la Vie parisienne et Orphée aux enfers entre Haydn et Mozart, le pot-pourri (signé Wolfgang Birtel) qu’ils offrent ensuite n’apparaît pas moins délectable, mené tambour battant dans une souriante complicité.
Divertimento en ré majeur : Mozart a le mot de la fin. Né entre le deuxième et le troisième séjour en Italie, le KV 136 est l’œuvre d’un génie en devenir, qui saura admirablement synthétiser tous les apports de ses voyages. Osmose parfaite entre les quatre archets : l’élan et la luminosité des mouvements vifs émerveillent autant que la tendresse de l’épisode médian ; le tout avec une élégance, un style et un feu qui signalent une ensemble de très haut niveau.

En bis, l’Andantino, doucement expressif du Quatuor de Debussy, d’une prégnante poésie nocturne, dévoile un autre aspect de l’art du Quatuor Yako. On le retrouvera (dans Mozart, Schubert et Schumann) à Montbonnot le 26 juin pour la soirée inaugurale du Festival Musique dans le Grésivaudant.(2) Quant aux Rencontres musicales en Seine et Marne 2019, elles se terminent le 23 juin, au château de Fontainebleau, avec le Quatuor Akilone et Gregory Daltin (bandonéon) dans un programme Piazzola.

Alain Cochard

(1) Découvrez le mini-reportage « chambre avec vue » réalisé au CNSMD de Lyon : www.concertclassic.com/video/chambre-avec-vue-au-cnsmd-de-lyon-quatuor-yako
(2) www.musiquedanslegresivaudan.net/
(3)  www.proquartet.fr/fr/concert/sem-quatuor-akilone-gregory-daltin-fontainebleau
 
Longueville, chapelle de Lourps, 8 juin 2019
 
Site de ProQuartet : www.quatuoryako.com/

Photo © Jacques Blot

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