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​Le Quatuor Joyce joue Schönberg et Beethoven – Tutoyer les chefs-d’œuvre – Compte-rendu

Festival de musique de chambre itinérant installé en Seine-et-Marne, Fest’inventio faisait exceptionnellement étape à Paris (dans le cadre d’un partenariat avec le Centre des Monuments nationaux) pour un concert du Quatuor Joyce à la Chapelle expiatoire de la rue Pasquier. Un lieu chargé d’histoire puisque ce monument de style néo-classique signé de l’architecte Pierre-Léonard Fontaine fut édifié de 1815 à 1826  – sur la requête de Louis XVIII – à l’emplacement du cimetière de la Madeleine où les dépouilles de Louis XVI et Marie-Antoinette avaient reposé jusqu’à leur transfert à Saint-Denis en janvier 1815.

Le violoniste Léo Marillier (directeur artistique de Fest’inventio) est le fondateur du Quatuor Joyce, avec trois musiciens de sa génération : Apolline Kirklar, Loïc Abdelfettah et Emmanuel Acurero. Rencontre au sommet que le programme proposé par la jeune formation puisqu’il confronte le 3e Quatuor de Schönberg et le 16e Quatuor op. 135 de Beethoven. Les Joyce n’ont pas choisi la facilité, mais l’implication, le ton que est leur face à musique emportent immédiatement l’adhésion.
La complexité de l’Opus 30 du Viennois n’est jamais prétexte pour eux à un intellectualisme pédant. Emmenés par un premier violon au sens plein du terme, les instrumentistes s’engagent corps et âme, avec élan et tension : le Moderato fait entrer de plain pied dans l'ouvrage, véritable chair vivante sous des archets qui en restituent les contrastes accusés et l’étourdissante mobilité d'écriture. Vécu de saisissante façon, l'Intermezzo saisit tout particulièrement, pareil à une sorte de danse macabre.
 
On ne cède pas moins à la réussite du 16ème Quatuor de Beethoven. Nul amidon testamentaire de la part des Joyce dans cette œuvre ultime – et déroutante par la rupture qui s’y opère après l’exacerbation expérimentale des ouvrages précédents. Le naturel et la complicité avec lesquels les musiciens s’approprient son mélange de légèreté et de gravité soulignent l’intelligence, l’équilibre et l’humaine complicité de leur propos (merveilleux Assai lento, d'une rare intensité).
 
Un magnifique rendez-vous chambriste que conclut, en bis – chaleureusement réclamé par l’auditoire ! –, le Contrapunctus 108 de Contanzo Festa (arrangé pour quatuor par Léo Marillier), semblable à un rêveur point d’interrogation. On éprouve d'autant plus d'admiration, après coup, en apprenant que ce concert était le premier du Quatuor Joyce - constitué durant la période du confinement par des musiciens et amis qui, il est vrai, ont déjà beaucoup pratiqué la musique ensemble dans des effectifs très variés

Notez dès à présent la date de son prochain concert parisien, le 11 février à la salle Cortot, dans des pages de Webern, Janáček et Brahms.(1) Quant à l’édition 2020 de Fest’inventio, elle se termine le 26 septembre à l’Abbaye de Preuilly (Eligny) avec un programme Beethoven réunissant Léo Marillier, Caroline Sypniewski et John Gade, tous trois(2) Prix de l’Académie Maurice Ravel de la ville de Saint-Jean-de-Luz en 2018.
 
Alain Cochard

(1) Avec Corey Worley et Andrew Briggs pour le Sextuor n°2 de Brahms / www.sallecortot.com/concert/quatuor_joyce.htm?idr=30693
 
(2) On n’oublie par que le baryton Ronan Debois figurait avec les trois instrumentistes en tête du palmarès 2018 / www.academie-ravel.com/historique/saison/palmares-du-festival-ravel-2018
 
Paris, Chapelle expiatoire, 11 septembre 2010 // Fest’inventio 2020 : www.inventio-music.com/fest-inventio-2020/
 
 
Photo © Franck Jaillard - Studio Orta, Lucy et Jorge Orta
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