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Le duo Capuçon-Buniatishvili à Pleyel - Petite Musique de Nuit – Compte-rendu

A premier contact, à première perception de leurs personnalités et leurs styles si différents, on n’imaginait pas que ces deux grands artistes puissent opérer une aussi étonnante fusion. Elle, la jeune Khatia Buniatishvili, déjà star, avec son extrême liberté, ses violences fulgurantes et ses apartés murmurés, lui, Renaud Capuçon, lumineux et raffiné,  devenu à 38 ans la référence absolue d’un style que la France réclame comme sien : tous deux aux antipodes, et pourtant si proches par leur intelligence et leur sensibilité ouvertes à toutes les suggestions de la musique et des styles.
 
Il en résulte un duo plus que surprenant, à la limite de l’envoûtement par lequel il faut se laisser prendre, avant d’être complètement abandonné. Leur récital actuel, ils l’ont mis au point avec une telle clairvoyance que les œuvres choisies, sans qu’ils en aient eu conscience initialement, sont en fait quasiment de la même année, début 1887 pour les Quatre pièces romantiques de Dvorak, 1886 pour la Sonate n°3 en ut mineur de Grieg et pour la pièce maîtresse de Franck sa Sonate en la majeur. Toutes trois pourtant venues d’horizons si différents.
 
La subtilité des deux artistes, le charme profond de leurs interprétations les relient dans une approche intimiste, aux antipodes de tout effet extérieur, mais avec quelle recherche de sonorités ténues, entrelacées comme si le clavier et le violon étaient issus du même jet ! Délicatesse exquise de Dvorak, poésie mélancolique de Grieg, chant tourmenté de Franck, très différent des ardeurs charnues qu’on trouve habituellement dans sa Sonate, on ne sait quel psychisme musical a le plus tiré le jeu des deux artistes l’un vers l’autre.
 
On découvre simplement qu’ils ont ici pénétré l’univers chambriste avec une poésie, une vision crépusculaire qui sonne étrangement dans le grand Pleyel. En amenant le public à eux, comme si l’on entrait dans le tableau : une soirée tous feux éteints, à la seule lumière de l’âme. On se souviendra de cette alchimie, si rare et si difficile à imposer dans les grandes salles. Rien d’étonnant à ce qu’ils nous aient ensuite emmenés, en bis, dans le Clair de lune de Debussy, une lune glissée derrière des nuages.
 
Jacqueline Thuilleux
 
Paris, Salle Pleyel, le 13 octobre 2014. Prochains concerts du duo : Nantes, Auditorium du conservatoire, 1er décembre ; Aix en Provence, Grand Théâtre de Provence 2 décembre ; Orléans, 4 décembre 2014.

Photo @ Jean-François Leclercq

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