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Le Démon d’Anton Rubinstein à Bruxelles - Méphisto russe

Pianiste virtuose, compositeur solitaire – il se tint volontairement à l’écart des Cinq tout en leur étant relativement bienveillant – Anton Rubinstein (1829-1894) se voulait chez lui à l’opéra. Dix-sept ouvrages lyriques dont six composés sur des livrets en allemand pour les scènes germaniques et un seul en français (Néron, sur un poème de Jules Barbier) que l’Opéra de Paris refusa, quel palmarès !,  dont une seule partition demeure un tant soit peu au répertoire.
 
En 1875, son huitième opéra, Le Démon destiné au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg fit sensation autant par son traitement audacieux du conte oriental de Lermontov dont s’inspire le livret – au troisième acte le grand dialogue entre Tamara et le Démon reprend mot pour mot les vers du poète - que par sa structure musicale assez libre, se détachant des canons de l’opéra romantique.
 
La basse incarnant le Démon impressionna durablement et le public et le compositeur : Ivan Mielnikov venait tout juste de créer le rôle titre de Boris Godounov. Jusqu’à la première guerre mondiale, la carrière internationale de cet opéra à part ne connut pas d’éclipse, les plus grandes basses du moment se disputant le rôle : Chaliapine, Theodor Reichmann, Tita Ruffo, Mattia Battistini lui firent une réputation en Russie, en Allemagne, en Italie. Son temps serait-il revenu ?

Mikhail Tatarnikov © DR
 
La Monnaie se garde bien d’en proposer une mise en scène, l’absence d’action permet à l’œuvre de ne rien perdre de sa singularité au concert. Est-ce pourtant la première fois que les Flandres entendront l’ouvrage comme l’avance le théâtre bruxellois dont la saison se déroule hors les murs ? Peut-être et au fond peu importe.
 
Dans le cadre somptueux du Palais des Beaux-Arts, les forces du Théâtre de la Monnaie seront emmenées par Mikhail Tatarnikov (photo), Kostas Smoriginas (photo) que les mélomanes bruxellois ont applaudi en Aleko au printemps dernier, se risquera à la partie périlleuse du rôle-titre, Ante Jerkunica assumant les graves redoutables que Rubinstein écrivit pour l’autre basse de l’opéra, le Prince Goudal. Tamara permettra de retrouver l’inoubliable Iolanta de Peter Sellars au Teatro Real de Madrid, Veronika Dzhioeva, mais la surprise pourrait bien venir du Prince Sinodal incarné par Boris Rudak, un jeune ténor dont tout Moscou parle depuis quelques temps …
 
Jean-Charles Hoffelé

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Rubinstein : Le Démon  (version de concert)
21 janvier 2016 – 19h 30
24 janvier 2016 – 15h
Bruxelles - Palais des Beaux-Arts
www.lamonnaie.be/fr/opera/572/Demon-in-concert

Photo Kostas Smoriginas © Tomas Kauneckas

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