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Le Barbier de Séville au Théâtre des Champs-Élysées – Sage réussite – Compte-rendu

Pour cet énième retour du Barbier de Séville, l’inusable chef-d’œuvre de Rossini, l’équipe réunie au Théâtre des Champs-Élysées (1) n’a pas réellement cherché à surprendre ni à prendre l’ouvrage à contre-chant. Laurent Pelly, baroudeur des mises en scène lyriques avec une quarantaine de productions à son actif, a tenu à illustrer la musique, « concrètement » précise-t-il. Un choix judicieux, quand certains s’évertuent à ne faire de l’opéra que du théâtre.
 
Et c’est ainsi que la scène présente un décor constitué de feuilles de partitions avec des portées dessinées, « concrétisées » par des rideaux et de grands plateaux posés à même le sol en forme de pages blanches arrondies, autour desquels les personnages surgissent ou se cachent. Eux-mêmes sont costumés de noir, figurant des notes de musique en quelque sorte.
Cette approche n’empêche pas une précision des gestes et interventions, auxquelles Pelly nous a habitué, en particulier dans les ensembles où les protagonistes s’agitent en phase avec leur action mais surtout avec les mouvements que suscite la musique. On note aussi que les chanteurs trônent en avant de scène, ce qui est toujours favorable à l’émission vocale, mais finalement peu courant. Sont heureusement évités, par ailleurs, les gags gratuits et parfois agaçants (dont Pelly dans son jeune temps émaillait systématiquement ses productions), pour un jeu pris à la source. Séduisant. Même si, après l’entracte, le propos ne se renouvelle guère, qui semble quelque peu tourner en rond.

© Vincent Pontet 
 
La responsabilité musicale revient pour sa part à Jérémie Rhorer devant les instruments d’époque de son Cercle de l’Harmonie. La couleur instrumentale s’insère alors presque idéalement avec les parties vocales, dans un dialogue conjugué de volutes diaphanes ou emportées. Passée une ouverture brusquée, tout se met ensuite parfaitement en place, à travers une partition respectée dans sa totale intégrité, avec un rapport maintenu délicieusement équilibré du plateau et de la fosse sous la battue allante mais précise de Rhorer. Un Rhorer des bons jours.
 
Puisque la distribution vocale présente un caractère solide sans anicroche aucune. Catherine Trottmann (2) campe une Rosina assurée, d’une constance dans la ligne vocale qui se joue des difficiles ornements. Michele Angelini, jeune ténor brillant au firmament rossinien, ne démérite pas de sa réputation, Almaviva d’une vocalità fermement tenue jusque dans la colorature (son pyrotechnique air du dernier acte, si souvent coupé). Quand bien même on aurait goûté un style davantage d’époque, en conformité avec l’orchestre, d’un ténor léger maîtrisant la technique mixte (et des aigus en voix de tête en place de notes arrachées).
Florian Sempey reste ce Figaro bien planté, dans la gouaille et la projection vocale. Peter Kálmán figure un Bartolo irrésistible et d’émission nette, alors que Robert Gleadow constitue une magnifique surprise pour un Basilio ardent comme peu. Excellente apparition de la Berta pétulante et clairement lancée d’Annunziata Vestri. Le chœur Unikanti (dir. Gaël Garchen) intervient à propos et avec cohésion. Et tous de se laisser enlever jusqu’au pétillant fandango final qui les rassemble.
 
Pierre-René Serna

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(1) Un spectacle monté en coproduction avec l’Opéra de Bordeaux, l’Opéra de Marseille et le Théâtre de la Ville de Luxembourg 
 
(2) Lire l’entretien avec la chanteuse :
www.concertclassic.com/article/une-interview-de-catherine-trottmann-mezzo-soprano-sentir-que-lon-est-son-propre-instrument
 
Rossini : Le Barbier de Séville – Théâtre des Champs-Élysées, Paris, 5 décembre ; prochaines représentations : « distribution I » (celle de ce compte-rendu) : 8, 10, 13, 16 décembre ; « distribution II, jeunes talents » : 6, 11 et 14 décembre 2017 / www.concertclassic.com/concert/rossini-il-barbiere-di-siviglia

Photo © Vincent Pontet
 

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