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​Le 32e Printemps des Arts de Monte-Carlo - Surprendre : tout un programme ! - Compte-rendu

La 32e édition du Printemps des Arts s’achève ce 10 avril. Daniel Harding mettra fin au cycle Mahler qui a couru tout au long du festival monégasque depuis le 19 mars : huit symphonies dirigées par sept chefs à la tête de six orchestres (dont quatre formations allemandes). Mais, derrière cette tête d’affiche symphonique, le festival s’est comme à son habitude aventuré vers des terres musicales plus inattendues.
 

(de g. à dr. ) Håkan Hardenberger, Betsy Jolas & Kazuki Yamada © Alain Hanel

C’est ainsi que la 4ème Symphonie de Mahler, interprétée par l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo et son directeur musical désigné, Kazuki Yamada (photo), était précédée d’une création de Betsy Jolas, commandée à la compositrice pour son 90e anniversaire. Si dans Mahler, le chef japonais a privilégié la beauté sonore plutôt que la conduite dramatique, il a dirigé ces Histoires vraies avec un souci exemplaire de la clarté et de l’équilibre, faisant résonner avec évidence le dialogue à trois du piano (Roger Muraro), de la trompette (Håkan Hardenberger) et de l’orchestre. Cette fantaisie concertante, vive et sans prétention, enchaîne les séquences en une sorte de dramaturgie fantasque, traversée de réminiscences (de Bartók à Messiaen, de Liszt à Dutilleux), comme animée par une mécanique fabuleuse.

L’art de la surprise, au Printemps des Arts, tient aussi à la présentation des œuvres dans des contextes inhabituels. À cet égard, le « voyage surprise » qui se déroulait cette année le dimanche 3 avril, est révélateur des intentions de Marc Monnet, qui a inventé cet événement musical hors norme lorsqu’il a pris la direction du festival en 2003 : le public est mené en car vers une destination et un programme tenus secrets. C’est ainsi que l’on note le plaisir du public à se laisser surprendre. Surpris, il le sera – c’est le moins que l’on puisse dire – avec un spectacle du collectif Warn!ng, qui pousse l’expérimentation entre théâtre et musique, arts de la scène et création sonore. De quoi mettre en perspective la modernité du traitement des voix dans les œuvres liturgiques du Moyen-Âge (dont le Viderunt omnes de Pérotin et ses enluminures vocales) révélé auparavant par l’ensemble Huelgas de Paul van Nevel, lors d’un concert en l’église de Breil-sur-Roya, première étape de ce « voyage surprise ».
 
Autour d’une création musicale de Laurent Durupt, le collectif Warn!ng interrogeait donc, au Palais de l’Europe de Menton, les pouvoirs du son (les bruits émanant du jeu des acteurs sur scène jouent en contrepoint avec le son des instruments : vents, alto, accordéon, percussions). Cette « Nuit acoustique » musicalement habile pèche cependant par la naïveté de la déclamation : les voix parlées auraient pu elles aussi être l’objet d’un travail acoustique plus ambitieux. C’est un peu le même constat pour la deuxième partie du programme : la musique composée par Alexandros Markéas, avec l’aide de Thierry Coduys et Guillaume Jacquemin pour le dispositif électroacoustique, pour Éternités (création mondiale, commande de la SO.GE.DA., société monégasque de gestion des droits d’auteur) est magnifiquement écrite pour la danse avec ses moments de plus ou moins grande densité, mais la chorégraphie de Francesco Curci reste un ensemble de gestes dansés assez stéréotypés ; cela dit, leur exécution par les danseurs de Cannes Jeune Ballet est précise et pleine d’énergie.

Arcadi Volodos © Uwe Arens

On retrouve cette volonté de faire éclater les formes habituelles du concert dans l’agencement des programmes même les moins originaux a priori. C’est le cas cette année d’une « nuit du piano » qui réunissait, en deux récitals successifs Till Fellner et Arcadi Volodos. Le premier offre une lecture très intériorisée, notamment dans deux Papillons et la Fantaisie en ut de Schumann, interprétations sans épanchements. C’est en fin de compte dans la Sonate op. 27n°1« Quasi una fantasia » de Beethoven et plus encore dans les Cinq variations de Berio que le pianiste autrichien se montre le plus convaincant, parvenant à équilibrer sens de la forme, virtuosité et lyrisme. Dès les premières notes du Thème et variations en ré mineur op. 18b de Brahms, Arcadi Volodos révèle une personnalité aux antipodes de celle de Till Fellner : tout ici est force expressive et explosion de couleurs. Ses Pièces op. 76 sont éclatantes et la Sonate D. 960 de Schubert devient un merveilleux récit romantique.
 
Jean-Guillaume Lebrun

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Printemps des Arts de Monte-Carlo, les 1er, 2 et 3 avril 2016.
www.printempsdesarts.mc

Photo Kazuki Yamada © Marco Borggreve

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