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L’Amour masqué à l’Opéra de Tours - Une éternelle jeunesse - Compte-rendu

Représentée en janvier 2005 à l’Opéra de Tours, puis programmé au Festival d’Edimbourg ainsi que dans plusieurs villes de l’Hexagone, cette production de L’Amour masqué (1923), comédie musicale en trois actes sur un texte de Sacha Guitry et une musique d’André Messager retrouve, sans prendre une seule ride, son port d’attache huit ans plus tard.

Le metteur en scène Bernard Pisani et le chef Jean-Yves Ossonce (photo) se situent sur la même longueur d’onde, manifestant une connivence de tous les instants dans la réalisation de cette œuvre hybride, alternance de chant et de texte parlé en vers libres où brilla jadis au Théâtre Edouard VII le couple Yvonne Printemps/Sacha Guitry. Véritable bijou d’ironie douce-amère et de finesse sur une musique subtile à l’élégance mozartienne, L’Amour masqué demande un savoir-faire, une précision d’orfèvre. Le décor unique de Frédéric Pineau fait passer de la chambre au bal masqué, assumant un kitch orientalisant qui est aussi la marque des costumes colorés et chatoyants.

Voix bien timbrée, pleine, presque trop opératique pour ce rôle, Sophie Haudebourg est Elle. Très en verve, piquante et aguichante, elle apporte la réplique à Lui, interprété par le comédien Frédéric Haddou (rôle parlé), enthousiaste et engagé dans son stratagème de conquête. Face à lui, les deux amants (le baron d’Agnot de Bernard Pisani et le Maharadjah de Ronan Nédélec) font bonne figure. L’Interprète (Franck Cassard, remarquable d’aisance et de diction) ainsi que les deux Servantes (Chloé Briot et Eugénie Danglade) contribuent à la cohérence d’un spectacle enlevé et haut en couleur, ponctué par des interventions chorégraphiques très suggestives.

Dans la fosse, Jean-Yves Ossonce, gourmet des sons, débusque avec délectation toute la saveur et les nuances d’une partition à l’écriture serrée, celle d’un Messager de soixante-dix ans, juvénile d’esprit et au sommet de son art. L’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours manifeste souplesse et fluidité ; les solos (clarinette, violoncelle …) relèvent de la musique de chambre dans une configuration orchestrale proche de celle de Mozart.

Une fois encore, l’Opéra de Tours atteint sa cible en donnant à entendre au public tourangeau une page pétillante comme le champagne, concluant ainsi l’année 2012 dans la bonne humeur au rythme du marivaudage, de la frivolité des Années folles. Et pourtant, l’annonce récente de la Région Centre qui diminue sa subvention de 15% n’avait rien pour susciter l’optimisme …

Michel Le Naour

Guitry/Messager : L’Amour masqué - Tours, Grand Théâtre, 29 décembre 2012

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Photo : François Berthon

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